Cass. 1ère ch. civ. 11 déc. 2013
« Vu l’article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 5 avril 2011, l’arrêt retient que les opérations de saisie-contrefaçon autorisées sur le fondement d’une atteinte à des droits d’auteur, a pour unique but de saisir les échantillons argués de contrefaçon et les document s’y afférent, mais aucunement exclusivement les pièces comptables ;
Qu’en statuant ainsi, alors que les opérations que le juge saisi a la faculté d’ordonner en application de l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle, peuvent se limiter à la saisie descriptive ou réelle de tous documents permettant d’établir l’origine, la consistance et l’étendue de la contrefaçon alléguée, sous réserve que la protection des renseignements confidentiels soit assurée, la Cour d’appel a violé, par fausse application, les disposition du texte susvisé ».
NOTE
Si la saisie-contrefaçon a pour objet d’établir la matérialité de la contrefaçon, la question se pose de savoir si elle peut également porter, de manière exclusive, sur son étendue et son importance.
Il peut en être ainsi lorsque le titulaire des droits dispose déjà de la preuve de la contrefaçon, au travers d’un procès-verbal de constat d’achat par exemple.
Peut-il alors recourir à une saisie-contrefaçon aux seules fins de saisir les documents comptables ou une telle mesure relève-t-elle du droit à l’information prévu à l’article L. 331-1-2 du Code de la propriété intellectuelle qui autorise le titulaire du droit à obtenir, devant le Juge de la mise en état (Cass. com. 13 déc. 2011 PIBD 2012.956.III.125), des informations sur les quantités « produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées ».
La Cour d’appel de Paris avait estimé que seul le droit à l’information pourrait, en pareille hypothèse, être invoqué en considérant que le Président du Tribunal de grande instance ne pouvait quant à lui « autoriser un huissier qu’à procéder à une description ou à une saisie réelle des produits allégués de contrefaçon, et de tout document concernant l’objet saisi ; que la saisie-contrefaçon ne peut porter seulement sur une saisie de documents comptables, l’huissier devant s’abstenir de poursuivre sa mission s’il ne trouve pas sur les lieux les objets argués de contrefaçon… une saisie-contrefaçon fondée sur le droit d’auteur a également pour but de saisir les échantillons argués de contrefaçon et les documents y afférent mais aucune exclusivement des pièces comptables, un procès-verbal de saisie-contrefaçon étant dérogatoire au droit commun et étant strictement encadré » (CA Paris 2 déc. 2011 PIBD 2012.959.III.256).
La Haute Juridiction censure cet arrêt en validant la saisie-contrefaçon.
L’article 332-1 2° du CPI dispose en effet qu’un huissier peut, sous la seule réserve qu’il en ait été autorisé, saisir « tout document [se] rapportant [aux matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les œuvres] », c’est-à-dire toute sorte de documents y compris des documents comptable.
C’est en ce sens que s’était déjà prononcé le Tribunal de grande instance de Paris en soulignant qu’une « telle interprétation de l’article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle n’est pas contraire aux dispositions de l’article L. 331-1-2 du même Code qui a introduit dans notre législation le droit à l’information dans la mesure où celui-ci est un nouvel outil juridique donné au titulaire du droit pour obtenir des informations auxquelles il n’a pu avoir accès antérieurement, notamment par le biais de la saisie-contrefaçon, et où ce droit a uniquement pour objet de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés contrefaisants » (TGI Paris 3ème ch. 1ère sec. 8 juin 2010 PIBD 2010.928.III.752). Comme l’avait en effet souligné ce jugement « la saisie-contrefaçon et le droit à l’information doivent se compléter et permettre au titulaire du droit d’établir… la matérialité de la contrefaçon, son étendue et son origine » et cette interprétation, qui est également celle de la Cour de cassation, est conforme à la volonté du législateur qui est, en application de la Directive n° 2004/48 du 29 avril 2004, de veiller au respect des droits de propriété intellectuelle et de lutter contre la contrefaçon.