Solution : Seules les caractéristiques de l’apparence d’un emballage pour aliments doivent être prises en compte pour apprécier son caractère individuel à l’exclusion des caractéristiques des éléments qu’il contient.
Impact : Le TUE confirme la jurisprudence sur l’étendue de la protection, à titre de modèle, d’un produit, tel un emballage transparent pour aliments, constitué à la fois d’un contenant et d’éléments consommables.
TUE, 5ème ch., 12 mars 2020. Aff. T352/19
NOTE :
Une société avait déposé comme modèle un emballage cylindrique en métal muni d’un couvercle transparent et d’une languette translucide, le dépôt faisant apparaître son contenu en l’espèce des aliments.
La Chambre de recours de l’EUIPO avait annulé le modèle comme étant dépourvu de caractère individuel, celui-ci produisant une impression de « déjà vu » par rapport aux dessins ou modèles antérieurs.
Saisi d’un recours, le TUE approuve cette décision en considérant que « … lors de l’appréciation de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté aux fins de l’examen de son caractère individuel, ce sont exclusivement les caractéristiques de l’apparence des emballages dans lesquels le modèle ou le dessin contesté est destiné à être incorporé qui doivent être prises en compte, et non les caractéristiques, la qualité et la disposition des aliments y contenus, indépendamment de la question de savoir si, en raison de la nature transparente des emballages ou de leur couvercle, lesdits aliments sont visibles ».
Il importe peu en effet que les aliments contenus dans l’emballage soient « visibles », ceux-ci ne faisant pas partie de l’apparence des emballages en cause, qui seule peut conférer la protection à titre de modèle, mais ils permettent « … tout au plus à mieux illustrer leur destination, à savoir d’être des emballages pour aliments, ainsi que l’un de leurs composants, à savoir leur couvercle transparent ».
Le contenu d’un emballage étant insusceptible de protection, le modèle se définissant par son apparence extérieure, il était sans doute inutile d’ajouter, comme le fait le Tribunal, que l’utilisateur averti appréciera le modèle « en conformité avec la finalité des produits dans lesquels il était destiné à être incorporé, qui est celle des emballages pour aliments, et sera en mesure de faire la différence entre lesdits emballages et leur contenu » et que « l’apparence des aliments » n’a pas « d’influence aux fins de l’appréciation de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti ».
Cette décision confirme qu’un dessin ou un modèle ne peut protéger que l’apparence d’un produit, ou d’une partie d’un produit (article 3 a) du règlement (CE) du 12 décembre 2001), et non les idées ayant prévalu lors de sa conception (v. notamment TUE, 6 juin 2013, PIBD 2013, n° 994, III, 1573).
Mais il faut alors définir l’apparence.
La définition d’un dessin ou d’un modèle inclut, dans une acceptation large, toute forme possible d’un objet à la condition qu’elle soit perceptible, identifiable, identifiée et bien délimitée (notamment Cass 1ère civ, 17 juin 2003 n°01 17.650 ; Cass 1ère civ, 11 déc 2013 n°2012/14030).
Un dessin ou un modèle doit en effet, pour accéder à la protection, être stable dans sa combinaison d’éléments et correspondre à des éléments fixes. Il doit donc pouvoir être défini dans sa configuration notamment de lignes et contours, dans la disposition de ses couleurs et ce pour permettre au juge de fixer l’étendue de la protection.
L’apparence est ainsi le résultat constaté de ces éléments dont le Tribunal apprécie le caractère individuel et, en matière de droit d’auteur, l’effort de création.
Il en résulte que le contenu d’un emballage, constitué d’aliments, ne peut, comme l’a jugé le TUE, être pris en compte dans l’appréciation du caractère individuel, car décider du contraire reviendrait à protéger, non pas un objet strictement défini, mais une présentation d’objets pouvant varier à l’infini c’est-à-dire un genre.
Le droit confirme ainsi que l’on ne doit pas se fier aux apparences !
La Cour d’appel de Paris s’est prononcée dans le même sens en jugeant qu’un flacon, représentant en miniature la Tour Eiffel, rempli de bonbons en forme de bille, groupés en trois couches de couleur bleu, blanc et rouge, était dépourvu de caractère propre, s’agissant d’un simple « choix », c’est-à-dire d’une idée (CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 4 mai 2018, n° 2017/18095 rendu après cassation : Cass. com. 29 mars 2017, n° 15-20785 ; dans cette même affaire, la Cour d’appel avait jugé en 2015 que le modèle avait un caractère propre au motif que si des flacons en forme de Tour Eiffel semblables existaient avant le dépôt, il s’agissait toutefois « de flacons nus, sans aucun contenu » : CA Paris, Pôle 5, ch. 1, 7 avril 2015, n° 2014/07503).
De même, il été jugé que l’association d’une coupelle en céramique et d’un fromage ne saurait constituer un modèle valable ni une création originale (CA Grenoble, 12 sept. 2002, n° 01/00728. Prop. Industr. 2002, comm. 93, nos obs.).
La Cour avait, ici aussi, estimé que le contenu d’un conditionnement constitué d’aliments, c’est-à-dire d’éléments éphémères, ne pouvait faire partie de l’apparence du modèle car une fois consommés ces éléments disparaitront.