ANTÉRIORITÉS OPPOSABLES
1. Selon l’article 7 , § 1 du règlement (CE) n° 6/2002 intitulé « DIVULGATION » (qu’il ne faut pas confondre avec la notion de divulgation prévue à l’art 11 § 2 du Règlement qui concerne uniquement le DMCNE), pour apprécier la nouveauté et le caractère individuel d’un DMCE ou d’un DMCNE, on tient compte des modèles divulgués antérieurement « sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus dans les milieux spécialisés, du secteur concerné, opérant dans la communauté ».
L’antériorité ici visée (que l’on retrouve à l’article L. 511-6 du CPI) est donc celle qui est difficilement accessible aux professionnels concernés. L’exemple souvent cité, ayant donné lieu à un arrêt de la Cour d’appel de Paris assez ancien (CA Paris 19 juin 1985, ann. propr. industr. 1986, p. 185, note P. Mathely), concernait un modèle de gobelet auquel était opposé un gobelet gallo-romain exposé dans un petit musée de province. Compte tenu des dispositions de l’article 7 du règlement, une telle antériorité ne pourrait plus aujourd’hui être opposée à un DMCE ou à un DMCNE.
Mais un modèle antérieur peut-il être valablement opposé, au sens de cet article, s’il n’a été divulgué qu’à une seule entreprise « du secteur concerné » (première hypothèse) ou s’il n’a été présenté que dans les locaux d’exposition d’une entreprise située en dehors « du champ d’observation habituel du marché », en l’occurrence en Chine (deuxième hypothèse) ?
La CJUE répond non dans les deux cas (CJUE, 3e ch., 13 fév. 2014, aff. C-479/12, pt 36 H. Gautzsch Grosshandel GmbH & Co KG c/ Münchener Boulevard Möbel Joseph Duna GmbH, pt 44 : L. Marino, « Qui est dans le cercle ? La Cour de justice explore les « milieux spécialisés du secteur concerné » », Propr. Industr. n° 4, 2014, p. 37-38) mais laisse cependant une porte ouverte en rappelant que l’article 7 n’exige pas que les faits constitutifs de la divulgation ait eu lieu sur le territoire de l’Union (pt. 33) et qu’il s’agit, en tout état de cause, d’une question de fait relevant de l’appréciation souveraine du Tribunal des dessins et modèles communautaires (pt. 34).
APPRÉCIATION DU CARACTÈRE INDIVIDUEL
2. Éléments à prendre en compte dans la comparaison des impressions globales
Le caractère individuel d’un DMCE ou d’un DMCNE doit-il être apprécié, en application de l’article 6 du règlement (CE) n° 6/2002, , au regard de dessins ou modèles antérieurs « pris individuellement » ou par rapport à « une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs » ?
De manière parfaitement claire la Cour de Justice a répondu que l’appréciation du caractère individuel doit s’effectuer « par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles précis, individualisés, déterminés et identifiés parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement » (CJUE, 19 juin 2014, aff. C-345/13, pt 25) et non par rapport à « une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs ».
On retrouve, mutadis mutandis, ce principe en droit d’auteur français, l’originalité d’un modèle s’appréciant toujours « de manière globale, en fonction de l’impression d’ensemble produite par l’agencement des différents éléments constituant le modèle en cause et non par l’examen de chacun de ses éléments pris individuellement » (notamment CA Paris Pôle 5 ch. 1, 19 oct. 2011, n° 10/08918).
3. L’examen du caractère individuel doit être conduit en quatre étapes.
Comme vient de le rappeler le TUE dans un arrêt du 28 janvier 2015 (TUE 3è ch., 28 janv. 2015, aff. T-41/14), l’examen du caractère individuel doit s’effectuer en quatre étapes : la détermination de la nature du produit auquel le dessin ou le modèle s’applique, la définition de l’utilisateur averti, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou du modèle et enfin la comparaison des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par les dessins ou modèles en cause (sur cette question v. également Chronique Un an de jurisprudence de la CJUE et du TUE, Propr. industr. nov. 2014, p. 27, note Natalia Kapyrina).
Comme décisions intéressantes rendues cette année, outre l’arrêt précité du TUE qui concernait un modèle rectangulaire en carton utilisé par les supporters lors de manifestations sportives, on peut noter les deux arrêts suivants qui portaient respectivement sur un modèle de veste de boulanger et un modèle de fourchette inséré dans des boites à pâtes.
Concernant une veste de boulanger faisant l’objet d’un dépôt communautaire, la Cour de Paris dans un arrêt du 14 octobre 2014 (CA Paris pôle 5, 1ère ch., 14 oct. 2014 : PIBD 2014, 1024, III, 249) considère que le modèle présente un caractère de nouveauté, aucune des vestes antérieures divulguées n’étant identiques ou quasi-identiques et que par son agencement particulier il produit sur l’utilisateur averti une impression globale distincte de celle produite par les vestes déjà divulguées, la liberté laissée au créateur dans la réalisation du modèle étant nécessairement restreinte en la cause. La Cour ajoutant que si l’utilisateur averti – en l’espèce le boulanger – sera nécessairement plus attentif au caractère pratique d’une veste à usage professionnel au regard des exigences de son métier, il ne pouvait ignorer la très grande diversité de présentations existant pour ce type de vêtement et il percevra dès lors immédiatement la physionomie propre du modèle.
S’agissant d’un modèle de fourchette, la Cour de Paris, confirmant un jugement du Tribunal de grande Instance de Paris (TGI 17 janvier 2014, PIBD 2014, 1007, III, 479), après avoir relevé que ni « l’effet de symétrie vu de profil entre les extrémités de la fourchette ni la partie courbe qui en constitue la partie opposée, qui caractérise les modèles [de la demanderesse], n’existent dans les antériorités opposées », a jugé que « l’impression d’ensemble produite sur l’utilisateur averti, c’est-à-dire sur tout acheteur de boites vendues avec une fourchette nécessaire à sa consommation, par les modèles opposés, diffère de celle que produisent sur un tel utilisateur lesdites antériorités » (CA Paris pôle 5 ch 2 5 déc 2014 n°14/03506).
CARACTÈRE VISIBLE – PRODUIT COMPLEXE – ANTÉRIOTÉ OPPOSABLE
4. La notion d’utilisation normale de l’article 4 § 2 du règlement 6/2002 ne peut être invoquée que pour des produits complexes tels qu’ils sont définis à l’article 3 c) du règlement.
Le Tribunal de l’Union Européenne vient ainsi d’approuver une décision de la Chambre de recours de l’OHMI qui, pour un modèle représentant un panneau en carton, muni de poignées, utilisé par les supporters lors de manifestations sportives, avait décidé qu’il importait peu qu’une partie des poignées du modèle ne soit pas visible lors d’une utilisation normale du produit, le modèle n’étant pas un produit complexe et les poignées intégrées ne constituant pas une pièce dudit produit (TUE 3è ch. 28 janv. 2015, Aff. T41/14 précitée pts 16 et 17).
C’est également en ce sens que s’était prononcé le même tribunal pour un modèle de biscuit fourré au chocolat (TUE 9 sept. 2014, aff. T-494/12, Propr. industr., mars 2015, p. 35, note F. Greffe).
Comme le souligne le tribunal dans ces deux décisions, l’article 4 § 2 du règlement « établit une règle spéciale portant spécifiquement [sur les produits complexes] au sens de l’article 3 c) du règlement » (TUE 28 janv. 2015, aff. T-41/14 pt 15) et cette solution est conforme au texte.
5. En revanche, la position prise par le TUE qui a considéré que, « par analogie », les caractéristiques invisibles d’un modèle ne pouvaient pas être invoqués à titre d’antériorité, nous semble très critiquable (TUE 4è ch., 3 oct. 2014, aff. T-39/13 PI. mars 2015, p. 35, note F. Greffe. Voir également PI nov 2014 p 37 note JF Gasnier).
Selon le Tribunal « la nouveauté et le caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire ne peuvent être appréciés en comparant ce dernier à un dessin ou modèle antérieur qui, en tant que pièce d’un produit complexe, n’est pas visible lors d’une utilisation normale ».
Rien dans les textes ne justifie cette solution qui est d’ailleurs en contradiction avec les dispositions de l’article 7 du règlement qui définit l’antériorité qui n’est pas opposable comme étant celle qui n’a pu être « raisonnablement connue des milieux spécialisés, du secteur concerné, opérant dans la communauté ».
L’on peut donc penser que si la CJUE était saisie de cette question elle sanctionnerait cette interprétation du TUE qui est le pour le moins difficilement compréhensible.
CARACTÈRE PROPRE – APPRÉCIATION – RÉFÉRENCES AU DOMAINE PUBLIC
6. Concernant des modèles de fauteuil, de canapé et de table imitant le tressage en rotin, objets d’un dépôt communautaire, le Tribunal avait débouté le demandeur en son action en contrefaçon, lequel devant la Cour soutenait que son modèle ne pouvait être annulé qu’à la condition qu’il lui soit opposé une antériorité de toute pièce, et qu’à défaut il était présumé valide et présentait un caractère individuel.
7. La Cour rappelle que pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou du modèle d’une part, et d’autre part que selon le 14è considérant du règlement l’appréciation du caractère individuel du dessin ou du modèle « doit donc consister à déterminer s’il existe une différence claire entre l’impression globale produite par le dessin ou modèle sur l’utilisateur averti qui le regarde et celle produite sur lui par le patrimoine des dessins et modèles » (CA Paris pôle 5 ch. 1 : Keter / Shaf, inédit).
8. Un raisonnement qui constitue une grave erreur consiste en effet trop souvent à rappeler la règle selon laquelle la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et non par les différences et à exiger de la personne poursuivie en contrefaçon la production d’antériorités de toutes pièces et ce, quelle que soit la création. Or il est possible et d’ailleurs fréquent que la création découle du domaine public, qu’elle n’ait consisté qu’en une modification du domaine public. Dans ce cas l’application de la règle que nous venons de rappeler, l’exigence d’antériorités de toutes pièces, aurait pour conséquence que l’on puisse s’emparer du domaine public et obtenir la condamnation d’un prétendu contrefacteur qui n’aura également fait que s’inspirer du domaine public pour y apporter d‘autres modifications que celles définissant le modèle revendiqué.
9. C’est au principe rappelé par la Cour selon lequel le caractère individuel d’un modèle doit s’apprécier en tenant compte notamment « du patrimoine des dessins et modèles » que se réfère la jurisprudence dans le domaine du droit d’auteur depuis un premier arrêt de 1971 dans un litige concernant un tissu d’ameublement qui s’inspirait des châles anciens. Les tissus litigieux reprenaient notamment la combinaison des couleurs des châles anciens et les divers motifs combinés. Mais le graphisme, tels que les bulbes étaient dans l’un et l’autre tissus réalisés différemment. Et la Cour de Paris infirmant le jugement du Tribunal a dit, après avoir analysé les tissus litigieux, qu’il n’y avait pas de contrefaçon en s’exprimant ainsi « de sorte qu’en définitive, ni dans le détail ni dans l’ensemble, une fois faites les abstractions nécessaires, les deux modèles n’offrent pas de ressemblances qui puissent constituer une contrefaçon ».
10. « Les abstractions nécessaires » sont celles qui doivent être faites pour tenir compte « du patrimoine des dessins et des modèles » c’est-à-dire du domaine public à la disposition de tous. Sur ce point, la jurisprudence est aujourd’hui constante (CA Paris, 4è ch., 6 fév. 2004 : PIBD 2004, 791, III, 461. P.I. 2004, comm. 82 obs. P. Greffe – Cass. 22 mars 2005 : PIBD 2005, 810, III, 373 – Cass. com. 22 fév. 2007 : PIBD 2007, 853, III, 380 – Cass. 23 sept. 2008 : PIBD 2008, 883, III, 609 – CA Paris, 4è ch. B, 28 nov. 2008 : PIBD 2009, 871, III, 872).
On constate ainsi que les règles permettant de définir le caractère individuel ou propre d’un modèle, s’inspirent ou reprennent celles définies par la jurisprudence française dans le domaine du droit d’auteur.
L’APPRÉCIATION DE L’ORIGINALITÉ D’UN MODÈLE EST UNE QUESTION DE DROIT RELEVANT DE LA SEULE COMPÉTENCE DU TRIBUNAL.
11. Dans un arrêt du 10 mars 2015 la Cour de Paris (pôle 5 ch. 1, Briolant / Sté Artnet, inédit) rappelle ce principe, dans une affaire dans laquelle la partie défenderesse avait sollicité une consultation d’un expert judiciaire. Aux termes de l’article 238 du Code de procédure civile un expert « ne doit jamais porter d’appréciation d’ordre juridique ». L’appréciation de l’originalité au titre du droit d’auteur est une analyse d’ordre juridique réservée au juge (CA Paris 9 nov. 1977. JCPE 1978.II.18841 – CA Paris 7 mars 1997 : PIBD 1997.633.III.312 – CA Paris 17 janv. 2003 : PIBD 2003.765.III.299).
CONCURRENCE DÉLOYALE – ACTION DE REPLI
12. L’action en concurrence déloyale peut être une action de repli pour celui dont l’action en contrefaçon de modèle et/ou de droit d’auteur a été rejetée.
La Cour de cassation vient de le rappeler en cassant un arrêt de la Cour d’appel qui avait rejeté la demande d’une société au titre de la concurrence déloyale, après avoir écarté ses demandes en contrefaçon en raison de la nullité du modèle communautaire et en l’absence de droit d’auteur, la Cour d’appel ayant considéré que la demanderesse ne démontrait pas l’existence d’une faute distincte des actes de contrefaçon allégués.
La Chambre commerciale casse l’arrêt au motif « qu’en statuant ainsi, alors que l’action en concurrence déloyale, qui est ouverte à celui qui ne peut se prévoir d’aucun droit privatif, peut se fonder sur des faits matériellement identiques à ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif, la Cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil » (Cass. com. 4 fév. 2014 : PIBD 2014, 1003, III, 318).
La Cour de cassation confirme ainsi sa jurisprudence selon laquelle il est toujours possible d’exercer, conjointement à une action en contrefaçon, une action en responsabilité pour concurrence déloyale et les juges du fond sont alors tenus d’examiner cette demande lorsque l’action en contrefaçon est rejetée (Cass. com. 10 déc. 2013 : PIBD 2014, 999, III, 113 – Cass. com. 12 juin 2012 : Propr. industr. nov. 2012, p. 24, note J. Larrieu – Cass. com. 10 fév. 2009 PIBD 2009, 893 III, 921 – Cass. com. 12 juin 2007 : PIBD 2007, 858, III, 554 – cass. 1re civ. 20 mars 2007 : PIBD 2007, 858, III, 555 – Cass. com. 14 déc. 2010 : PIBD 2010, 934, III, 150 – Cass. com. 19 mars 2013 : D. 2013, act. 993 – Cass. com. 10 avr. 2013 D. 2013, 1393. Note S. Chatry, La recevabilité de l’action en contrefaçon et de l’action en concurrence déloyale. CA Paris pôle 5, 2è ch., 29 nov. 2013 : PIBD 2014, 1000, III, 171).
DMCNE
13. Divulgation, art. 11§ 2 : définition des milieux spécialisés
La CJUE s’est prononcée sur la portée de la notion de divulgation, point de départ du délai de protection de trois ans du DMCNE, au sens de l’article 11 § 2 du Règlement (CJUE, 3e ch., 13 fév. 2014, aff. C-479/12, H précitée), la question étant de savoir si la transmission d’un modèle à un commerçant vaut divulgation.
Pour certains auteurs, « les milieux spécialisés » visés dans cet article n’incluraient que des personnes « ayant une influence conceptuelle sur le design du produit », comme les fabricants par exemple, ce qui exclurait la catégorie des commerçants. Tel n’est pas l’avis de la Cour.
L’article 11 § 2 se référant à « la pratique normale des affaires », la Cour considère que les commerçants font bien partie « des milieux spécialisés » au sens de cet article, tout en précisant que cela reste néanmoins une question de fait soumise à l’appréciation souveraine du Tribunal communautaire (pt 30 de l’arrêt).
La notion de divulgation est ainsi entendue de façon large ce qui conduit à une meilleur protection du DMCNE.
C’est également en ce sens que s’est prononcé très récemment le Tribunal de grande instance de Paris. Pour retenir de façon très large la notion de divulgation, le Tribunal a jugé qu’un dépôt de modèle publié auprès d’un office national de l’Union européenne, il s’agissait en l’occurrence de l’office allemand des brevets et des marques, valait divulgation au sens de l’article 11 du règlement. (TGI Paris 3è ch. 4è sect., 10 juill. 2014, Propr. industr. déc. 2014, p. 33, note P. Greffe).
14. Présomption de validité
Le titulaire d’un DMCNE, demandeur à une action en contrefaçon, est-il par ailleurs tenu de démontrer que son dessin ou modèle présente un caractère individuel ou peut-il simplement se contenter d’indiquer en quoi ledit dessin ou modèle présente un tel caractère?
En réponse à cette question et interprétant l’article 85 § 2 du Règlement, la CJUE a dit pour droit que le titulaire d’un DMCNE n’est « pas tenu de prouver que celui-ci présente un caractère individuel… mais doit seulement indiquer en quoi ledit dessin ou modèle présente un tel caractère, c’est-à-dire identifier le ou les éléments du dessin ou modèle concerné qui…lui confère ce caractère… » (CJUE, 19 juin 2014, aff. C-345/13, préc., pt 47).
Le DMCNE bénéficie ainsi d’une présomption de validité qui peut être contestée par le défendeur, par voie d’exception ou par une demande reconventionnelle en nullité, comme le prévoit d’ailleurs l’article 85 § 2 précité.
15. La preuve de la copie
Le titulaire d’un DMCNE est-il enfin tenu de prouver que l’utilisation arguée de contrefaçon résulte d’une « copie » de son dessin ou modèle au sens de l’article 19 § 2 du Règlement ou bien peut-on admettre des allégements de la charge de la preuve ?
A cette question la CJUE répond qu’en principe la charge de la preuve pèse sur le titulaire du DMCNE sauf si cette preuve est rendue trop difficile auquel cas le Tribunal pourra « avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national… en ce compris, le cas échéant, les règles de droit interne prévoyant des aménagements ou des allègements de la charge de la preuve » (CJUE, 3e ch., 13 fév. 2014, aff. C-479/12,précitée pt 44H.).
Ce faisant, la Cour rejoint les conclusions de l’avocat général (concl. av. gén. Melchior Wathelet, CJUE 5 sept. 2013, aff. C-479/12, préc., pt 77) qui avait estimé que le Juge national peut recourir « au mécanisme de la présomption ou différentes mesures d’instruction… ou encore de décider que, face aux éléments de preuves apportés par le titulaire du dessin ou modèle, il incombe au défendeur de les contester de manière substantielle ou détaillée ».
16. Cette solution, conforme au simple bon sens, ne peut qu’être approuvée tant il est évident qu’en cas de copie au sens de l’article 19 § 2 du Règlement, c’est-à-dire de reproduction à l’identique, le seul fait matériel de la contrefaçon implique, ou en tout cas laisse présumer, que le contrefacteur avait à sa disposition l’objet qu’il a copié. C’est d’ailleurs en ce sens que s’était prononcée la juridiction allemande dans ce litige en jugeant que le modèle poursuivi ne constituait pas « un acte de création autonome mais une copie » et que le demandeur devait donc bénéficier « d’un allégement de la charge de la preuve compte tenu de la concordance fondamentale objectivement constatée entre les deux modèles ».
C’est également la solution retenue par les juridictions françaises en droit d’auteur. La Cour de cassation a ainsi cassé récemment une décision au motif que « la contrefaçon [d’une œuvre] résulte de sa seule reproduction et ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux œuvres procèdent d’une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d’une source d’inspiration commune » (Cass 1ère civ 2 octobre 2013, aff 12-25941).
EXPLOITATION DU MODÈLE. EXIGENCE D’UN PROCESSUS CRÉATIF, DÉMONSTRATION DE SA TRAÇABILITE
17. Une personne morale ou physique exploitant de manière non équivoque et paisible un modèle, doit-elle justifier de son processus créatif et faire la preuve de sa traçabilité.
Il est aujourd’hui de jurisprudence que, dès lors qu’une société ou une personne physique exploite de manière non équivoque et paisible un dessin ou modèle, ces derniers sont présumés être sa propriété (Art. L. 113-1 et L. 113-5 CPI).
La jurisprudence abondante est constante au motif qu’il n’est pas d’usage de dresser constat des diverses phases du travail de création d’un modèle et qu’exiger un témoignage de ceux qui ont participé à ce travail pour en connaître les conditions exactes avant d’admettre qu’il a été un travail collectif, reviendrait à refuser la protection de la loi aux œuvres réalisées dans les entreprises qui se sont dotées de bureaux d’études et de style et par suite à priver les entreprises les plus importantes dans le domaine des arts appliqués du bénéfice de leurs efforts d’organisation, d’intelligence et de créations et des investissements qu’elles y ont consacrés (notamment CA Paris 4è ch. 18 janv. 1989 : PIBD 1989, 459, III, 397).
18. Mais il est vrai que l’on relève quelques décisions qui ne se contentent pas de la justification d’une exploitation de la création par la personne qui en revendique la propriété, mais exigent en outre que cette dernière s’explique sur le « processus de création » ou encore des conditions dans lesquelles elles ont acquis le modèle.
Ainsi la Cour d’appel de Lyon dans un arrêt du 18 mars 2014 (CA Lyon 8è ch. 18 mars 2014 : PIBD 2014, 1008, III , 442) a jugé « qu’à une époque où toute personne peut récupérer sur internet n’importe quel dessin et s’en attribuer la paternité en toute impunité l’article 113-1 du CPI ne peut trouver à s’appliquer que si le nom sous lequel s’opère la divulgation de l’œuvre s’accompagne d’un minimum de preuve sur les tenants et les aboutissants de cette parution et du processus créatif ayant abouti aux dessins litigieux ». Cette jurisprudence qui est hautement critiquable, est contraire aux dispositions des articles L. 113-1 et L. 113-2 du CPI.
19. La Cour de cassation par un arrêt du 10 juillet 2014 (1è civ. PIBD 2014, 1013, III, 750. P.I. 2014 p. 39 note P. Greffe) a jugé qu’une société exploitant de manière paisible et non équivoque un modèle n’avait pas à s’expliquer sur son processus de création :
« Pour débouter une société de son action en contrefaçon l’arrêt retient que la présomption de possession de l’œuvre reconnue au profit des personnes morales ne doit être reconnue qu’à la condition qu’elles justifient avoir participé techniquement et financièrement à l’élaboration d’un processus créatif qui leur a permis d’exploiter et de commercialiser le produit sans qu’aucune contestation n’émane des auteurs, et qu’il ne saurait être reconnu la titularité de droit d’auteur à des personnes morales sur des œuvres dans lesquelles elles n’exercent aucune influence ou n’ont aucun contrôle. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que la société demanderesse justifiait d’actes non équivoques d’exploitation en France, la Cour d’appel a violé pour fausse application l’article L. 113-5 du CPI ».
20. Ainsi, en conséquence de cette jurisprudence les personnes morales bénéficient de la protection du livre Ier du CPI à la seule condition que l’exploitation de la création dont elles se prévalent soit paisible et non équivoque (CA Paris pôle 5, 2è ch., 24 juin 2011 : Propr. industr. nov. 2011, 34, note F. Greffe – Cass. 1è civ. 4 mai 2012 : P.I. oct. 2012, 29, note F. Greffe. CA Paris 4è ch., 17 déc. 2008 : PIBD 2009, 891, III, 870).
21. Sur la question tranchée par la Cour de cassation, la Cour de Paris était partagée. Il a été jugé (CA Paris, pôle 5, 2è ch., 23 nov. 2012 : PIBD 2013, 977, III, 975) qu’il appartenait à une société « de démontrer qu’elle a effectivement participé au processus créatif de son modèle afin de bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur ». Mais la 1ère chambre du pôle 5 s’est prononcée en sens inverse par un arrêt du 19 décembre 2012 (CA Paris, pôle 5, ch. 1, 19 déc. 2012 : Sté Delphes / Sté Avantage Mode, inédit).
L’arrêt du 10 juillet 2014 de la Cour de cassation, qui casse l’arrêt précité du 23 novembre 2012, est donc le bienvenu. Il clarifie ainsi une question qui n’aurait pas dû logiquement se poser.
22. La Cour de Paris (Pôle 5 ch. 1, 23 sept. 2014 PI janv 2015 p 15 note P. Greffe), sur la question de savoir si une création de l’art appliqué était soumise au principe dit de traçabilité, a jugé que c’était à tort « qu’un Tribunal avait estimé que n’étant pas établie la chaine de dévolution des droits entre un auteur, une société cessionnaire desdits droits et une société tenant de cette dernière le droit de fabriquer et de commercialiser le modèle, l’action en contrefaçon était irrecevable. En l’absence de revendication de l’auteur, l’exploitation de l’œuvre par une personne physique ou morale, sous son nom, fait présumer à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon que cette personne était titulaire des droits de propriété incorporelle de l’auteur ».
La Cour infirme ainsi une décision du Tribunal de grande instance de Paris qui avait estimé que le fait qu’une société exploitait un modèle, justifiant de son exploitation par des documents ayant date certaine et identifiant le modèle, n’était pas suffisant pour qu’elle puisse prétendre à la propriété des droits d’auteur. Encore fallait-il qu’elle justifie non seulement détenir régulièrement les droits de la société qui lui avait cédé les droits patrimoniaux, mais qu’elle démontre encore que l’auteur, qui était connu, ait lui-même cédé ses droits à la société intermédiaire. En un mot il fallait assurer la traçabilité des droits, en identifiant l’origine et en reconstituant le parcours.
23. Or rien dans la loi ne justifie cependant pareille exigence.
La Cour de cassation dans un arrêt du 20 juin 2006 (Cass. com., 20 juin 2006 : PIBD 2006, 837, III, 628) a jugé que dès lors qu’une société exploitait des modèles sous son nom et que l’auteur ne faisait valoir aucune revendication contre elle, cette société était présumée titulaire, à l’encontre des tiers poursuivis en contrefaçon, de droits indépendants de la réalité de la cession ou du bien-fondé de la revendication personnelle de l’auteur (dans le même sens Cass. 1è civ. 15 nov. 2010 : PIBD 2011, 931, III, 44). La Cour de cassation a eu encore l’occasion de préciser qu’en l’absence de revendication de la part des auteurs « fussent-ils identifiés », l’exploitation d’un modèle par une personne morale sous son nom faisait présumer à l’égard des tiers poursuivis en contrefaçon, que cette personne était titulaire, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporel de l’auteur (Cass. com. 28 sept. 2008 : PIBD 2008, 883, III, 611).
24. Il faut ainsi distinguer deux rapports. Celui d’une société demanderesse à l’égard du contrefacteur laquelle bénéficie de la présomption consacrée par la jurisprudence, sans avoir à justifier d’un processus créatif quelconque, et les rapports que cette société peut avoir avec l’auteur personne physique ou personne morale. Ces derniers rapports ne concernent pas l’éventuel contrefacteur qui est irrecevable à prétendre notamment à la nullité des contrats que peut avoir conclu la société avec l’auteur, lequel est seul en droit de contester la validité de la cession qu’il a consentie.
Cette jurisprudence doit être pleinement approuvée. Elle garantit aux sociétés une meilleure protection en évitant des difficultés inutiles.
ORIGINALITÉ
25. La Cour d’appel de Paris a eu l’occasion de rappeler que, sur le terrain du droit d’auteur, l’originalité d’un dessin ou d’un modèle s’apprécie toujours de manière globale en fonction de l’impression d’ensemble produite par l’agencement de ses différents éléments ornementaux. Ce qui constitue l’originalité d’un modèle c’est en effet presque toujours une combinaison nouvelle d’éléments connus et c’est cette combinaison qui est susceptible de bénéficier de la protection de la loi sur le droit d’auteur.
S’agissant d’un modèle de tissu montrant une combinaison particulière de séquences, lignes, effets de symétrie et de répétition et la mise en valeur par l’opposition d’une épaisse rayure contrastant avec le reste du dessin, la Cour de Paris dans un arrêt du 20 janvier 2015 (pôle 5 ch. 1, Devaux / Davinar, inédit) rappelle que son appréciation doit s’effectuer de manière globale en fonction de l’aspect d’ensemble du produit par l’agencement des différents éléments et non par l’examen de chacun d’eux pris individuellement et considère que l’agencement sus-décrit confère au dessin une physionomie propre traduisant un effort créatif, même limité, procédant d’un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur. La Cour fait ici référence à la « physionomie propre » du modèle (CA Paris, pôle 5, ch. 1, 20 janv. 2015 : Devaux / Davinau, inédit).
De même la Cour de Paris dans un arrêt du 13 janvier 2015 (pôle 5, ch. 1, Cipa Distribution / Opel, inédit) a jugé que « les particularités qui ont permis de caractériser le caractère propre du modèle de rétroviseur, soit le design très particulier du pied et la présence d’une saillie sur la partie au dessus du chapeau témoignaient d’une recherche esthétique et d’un effort créatif portant la personnalité de son auteur, lequel méritait ainsi d’accéder au statut d’œuvre de l’esprit éligible à la protection instituée aux livres Ier et III du CPI ».
L’originalité d’un modèle de blouse réside dans la combinaison des éléments qui la caractérisent à savoir une blouse en fin coton et dentelle, de couleur unie, dont l’encolure est arrondie, sans manche, le bas de la blouse étant orné d’une bande horizontale de broderie à motif végétal, selon cet agencement particulier qui confèrent à l’ensemble sa physionomie propre et traduit un parti-pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur (CA Paris pôle 5, ch. 2, 6 fév. 2015 Bruno / Fiso, inédit).
CESSION ART. L. 131-3 DU CPI
26. S’agissant d’un contrat conclu par un architecte d’intérieur pour la création et la mise au point de la décoration d’un magasin stipulant que les droits de propriété intellectuelle, énumérés, étaient cédés, le Tribunal juge que le contrat « est valable au regard de l’article L. 131-3 du CPI » (TGI Paris 3ème ch 2ème sect 28 mars 2014 PIBD 2014 1011 III 674).
Sans doute l’article L. 131-3 du CPI subordonne-t-il la transmission des droits d’auteur à l’existence d’un écrit énonçant les droits cédés et délimitant leur domaine d’exploitation, mais ces dispositions ne visent que les seuls contrats énumérés à l’article L. 131-2 al. 1er (contrat de représentation, d’édition et de production individuelle). C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation dans un arrêt du 21 novembre 2006 (PIBD 2007, 846, III, 123 P.I. 2007, p 37, note P. Greffe). La jurisprudence est aujourd’hui constante. La nécessité d’un écrit ne concerne pas les arts appliqués, et d’ailleurs l’alinéa 2 de l’article L. 131-2 mentionne que « dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1341 à 1348 du Code civil sont applicables » ce qui signifie que dans tous les autres cas, il suffira de se conformer aux règles du droit commun (Azéma et Galloux, Droit de la propriété industrielle. D. 2012, 7è éd. n° 1329).
ŒUVRE COLLECTIVE
27. L’œuvre collective qui a donné lieu au cours de ces dernières années à de nombreux arrêts, est aujourd’hui définie avec précision.
Dans un arrêt du 17 octobre 2014 la Cour de Paris, concernant les aménagements intérieurs d’un camping-car, constatant que le designer n’avait jamais travaillé seul mais avait participé à un processus collectif dans lequel se fondait sa participation, a jugé qu’il ne caractérisait pas les éléments d’originalité de sa contribution et ne pouvait en conséquence prétendre à la qualité d’auteur (CA Paris 17 oct 2014 pôle 5 ch 2, PIBD 2014, 1019, III, 36).
Le Tribunal de Grande Instance de Paris s’est prononcé en ce sens pour un flacon de parfum, en l’occurrence le flacon du parfum Opium d’Yves Saint Laurent, pour retenir que celui-ci constituait une œuvre collective (TGI Paris, 3è ch, 2è sect, 24 janv 2014, PIBD 2014, 1010, III, 641).
Celui qui prétend à la qualité d’auteur, salarié ou indépendant, doit être en mesure de démontrer avoir maitrisé le processus de création de bout en bout (CA Paris pôle 5, 2è ch., 5 nov. 2010, PIBD 2011, III, 121).
28. La Cour de cassation, par arrêt du 19 décembre 2013, a rejeté un pourvoi formé contre une décision de la Cour de Paris du 14 septembre 2012 qui, après avoir rappelé les conditions dans lesquelles les modèles de VAN CLEEF avaient été élaborés et exploités, avait estimé que les modèles étaient des œuvres collectives, seule propriété de la société, la Cour constatant que le travail du dessinateur s’inscrivait dans un cadre contraignant qui l’obligeait à se conformer aux instructions esthétiques qu’il recevait de ses supérieurs, que les dessins en tant que tels « dépourvus de valeur » avaient été réalisés dans le respect du style de VAN CLEEF, que d’autres personnes faisaient partie de la chaine de création des modèles, enfin que les modèles avaient toujours été divulgués sous le nom de la société VAN CLEEF. Ainsi « en l’absence d’autonomie de la réalisation du dessin » la revendication du dessinateur n’était pas fondée, la société VAN CLEEF étant en conséquence « seule titulaire ab initio des droits patrimoniaux » (Cass. 1è civ. 19 déc. 2013, P.I. mars 2014, note P. Greffe ; CA Paris 14 sept. 2012, PIBD 2012, III, 720 – Dans le même sens, CA Paris pôle 5, 2è ch., 22 mars 2013 PIBD 2013, 983, III, 1183 – Pollaud-Dullian La propriété industrielle. 2è éd. 2011 n° 1070).
Ainsi le travail collectif est celui accompli sous la direction et l’initiative de l’entreprise, personne morale ou non. C’est l’entreprise qui fournit les choix, qui coordonne les efforts, à laquelle sont soumis les plans, les maquettes, les ébauches, les projets auxquels elle apporte matériellement au besoin toutes les corrections qu’elle juge à son goût.
29. Et l’existence d’un contrat de cession de droit de propriété intellectuelle ne saurait renverser cette qualification. La qualification juridique d’une œuvre de l’esprit relève en effet exclusivement de la loi, telle qu’il appartient au juge de la déterminer et non pas d’un accord contractuel (CA Paris pôle 5, ch. 1, 15 janv. 2014, Allard / Studio Harcourt. Inédit).
PROCÉDURE – IDENTIFICATION DU MODÈLE
30. La Cour de cassation dans un arrêt du 15 janvier 2015 (PIBD 2015.1023.III.217) rappelle qu’il incombe à celui qui agit en contrefaçon de droit d’auteur d’identifier les caractéristiques de l’œuvre dont il sollicite la protection. Ainsi ayant relevé que les demandeurs revendiquaient des droits sur « une couture dorsale ornementale placée dans le dos de vêtements, au niveau des omoplates » sans l’identifier avec précision ni en caractériser des détails, conditions premières du droit d’auteur et de la définition de son objet, la Cour d’appel en a déduit qu’ils ne démontraient pas être titulaires des droits qu’ils invoquaient. De même « c’est sans dénaturer les écritures [de la demanderesse] que la Cour d’appel a retenu que cette dernière ne lui avait fourni aucun élément lui permettant d’identifier les caractéristiques considérées comme protégeables, la mettant ainsi dans l’incapacité d’exercer son contrôle sur les éléments invoqués… » (Cass com 25 nov 2014, PI févr 2015 p 39 note JF Gasnier).
31. La CJUE s’est prononcée en ce sens dans son arrêt précité du 19 juin 2014 (PIBD 2014, 1012, III, 704) selon lequel l’article 85 § 2 du règlement 6/2002 devait être interprété en ce sens que pour qu’un tribunal des dessins ou modèles communautaires considère un dessin ou modèle communautaire non enregistré comme valable, le titulaire de ce dessin ou modèle n’était pas tenu de prouver que celui-ci présentait un caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement, mais devait uniquement indiquer en quoi ledit dessin ou modèle présentait un tel caractère, c’est-à-dire identifier le ou les éléments du dessin ou modèle concerné qui, selon ce titulaire, lui conféraient ce caractère.
Aux termes de l’article 56-2 du Code de procédure civile, l’assignation contient « à peine nullité l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ». L’article 551-2 du Code de procédure pénale précise que « la citation énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime ».
32. Les juridictions saisies font droit aux exceptions de nullité tirées de l’article 56-2 du CPC lorsque les assignations ne procèdent pas à la comparaison nécessaire des objets dont l’originalité est prétendue avec ceux qui sont suspectés de contrefaçon, cette comparaison supposant une définition et une description précise des objets concernés (CA Versailles 12è ch. sect. 1 20 nov. 2008 n° 08/02874. CA Paris Pôle 1 4è ch. 18 juin 2010 n° 09/19786. CA Paris Pôle 5 2è ch. 12 nov. 2010 n° 09/13456). Une assignation doit être annulée dans la mesure où l’étendue des faits incriminés pêche par son imprécision. Il en est de même des éléments permettant de considérer que les œuvres revendiquées sont éligibles à la protection au titre du droit d’auteur, l’originalité n’étant pas une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon, mais une condition de fond (CA Paris Pôle 5 2è ch. 12 avr. 2013 PIBD 2013.989.III.1385).
Au-delà des rédactions requises, qui peuvent varier d’une décision à l’autre, c’est la même position jurisprudentielle qui, sur le fond, est à l’œuvre et confirme l’analyse qu’il convient de faire de l’énonciation du fait poursuivi en matière de contrefaçon : cette analyse est impliquée par la notion même de contrefaçon, qui postule une comparaison complète des objets revendiqués et des objets argués de contrefaçon.
33. Concernant les modèles déposés il convient de s’assurer que les reproductions graphiques ou photographiques correspondant aux dessins ou modèles concernés, représentent bien l’objet ou le dessin dont la protection est sollicitée et ce dans toute leurs dispositions et parties, car ce sont ces reproductions qui apparaissent sur le certificat d’identité et qui fixent l’étendue du droit. Il appartient ici encore au titulaire du dépôt de décrire les éléments caractéristiques de son modèle, comme il conviendra de décrire les éléments contrefaisants du modèle critiqué. C’est ainsi que le principe du contradictoire sera respecté.