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Originalité – Preuve

S’agissant d’un dessin de dentelle apposé sur un modèle de vêtement, l’arrêt retient que la combinaison d’une bande rectiligne en partie supérieure et de pétales de fleurs en partie inférieure se retrouve dans d’autres modèles de dentelles anciennes.

En se déterminant ainsi, sans rechercher si l’originalité du dessin résultant, non seulement de cette combinaison, mais également, comme le soutenait la société SOLSTISS, de la combinaison, en partie supérieure de la forme, de la position et de la répétition d’une fleur à trois pétales percée d’un trou, encadrée de deux bandes pouvant ressembler à des rails et composées de deux lignes horizontales, et, en partie inférieure, de la composition d’un groupe de cinq pétales, un pétale central long entouré, de part et d’autre de deux pétales plus courts et de la forme et de l’ornementation de chacun de ses pétales, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle

Cass. 1ère civ. 7 mars 2018 PIBD 2018, n°1091, III, p. 249.

NOTE:

Il s’agissait d’un modèle de dentelle et la société qui en revendiquait la propriété au titre du droit d’auteur avait saisi le Tribunal d’une action en contrefaçon et ayant été déboutée de son action avait interjeté appel, la Cour de Douai ayant alors confirmé le jugement aux motifs :

  • que la société SOLSTISS « ne fournissait aucune explication, ni aucune pièce permettant de connaître le processus de création des dentelles litigieuses se bornant à donner une description détaillée du modèle et à en fournir des échantillons soutenant que la combinaison des différents éléments rend ce dessin original »,
  • alors que « tant les motifs que la forme que chaque partie de cette dentelle sont assez simples et peuvent se retrouver dans des modèles de dentelles anciennes, le maillage ne présentant pas non plus de caractère d’originalité et la combinaison d’une bande rectiligne en partie supérieure et de pétales de fleurs en partie inférieure se retrouvait également dans d’autres modèles de dentelles anciennes ».

La Cour de Douai considère alors que la société SOLSTISS « échouait à apporter la preuve de l’originalité du dessin de modèle qu’elle commercialise ».

C’est cet arrêt que sanctionne la Cour de cassation.

Il est vrai que la Cour de Paris a elle-même rendu des décisions exigeant que le demandeur apporte la preuve de l’originalité de son modèle. S’agissant d’un modèle de tunique la Cour s’exprime ainsi « la société intimée revendique des droits sur une tunique comportant en partie haute un empiècement froncé et un col de forme carrée, et en partie basse deux poches plaquées, arrondies et froncées ainsi que des manches en forme de ballon se terminant par un empiècement sans démontrer en quoi la combinaison de ces caractéristiques serait originale, condition première de la naissance de droit d’auteur et de la définition de son objet » (CA Paris Pôle 5, 2ème ch., 12 juin 2015 P.I. oct. 2015 et nos obs).

La Cour de Paris, Pôle 5, 2ème ch. dans un arrêt du 11 septembre 2015 s’est prononcée en ce sens, s’agissant d’un meuble, la société ROCHE BOBOIS « n’apportant pas alors la preuve de son originalité » la Cour ajoutant que « la notion d’antériorité était inopérante en droit d’auteur » et protégeant ledit modèle en tant que modèle communautaire au motif que la protection conférée « par le dessin et modèle communautaire s’étendait à tout dessin ou modèle qui ne produisait pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente ».

Outre que la loi n’exige pas la condition d’originalité, l’œuvre étant protégée quel que soit son mérite ou sa destination, il ne paraît pas raisonnable d’exiger cette condition s’agissant alors de porter un jugement de valeur sur la configuration d’un objet, ce qui relève exclusivement de la compétence du juge.

Mais il est vrai que ces décisions sont des exceptions. La jurisprudence ne formule généralement pas cette exigence. Ainsi dans un arrêt du 2 juin 2015 (Pôle 5, ch. 1) s’agissant d’un tissu imprimé dit « léopard » la Cour de Paris rappelle la description faite par la société Louis Vuitton de son modèle et en conclut que la « combinaison de ces caractéristiques dans un but purement esthétique procède de l’arbitraire de son auteur et est révélatrice d’une création intellectuelle propre à celui-ci conférant à cet imprimé une originalité de nature à lui accorder la protection au titre du droit d’auteur ».

Sur le plan du droit communautaire il est de jurisprudence que le titulaire du dessin ou du modèle n’est pas tenu de prouver que celui-ci présente un caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement, mais doit uniquement indiquer en quoi ledit dessin ou modèle présente un tel caractère, c’est-à-dire « identifier le ou les éléments du dessin ou modèle concerné qui selon le titulaire, lui confère ce caractère » (CJUE, 19 juin 2014, PIBD 2014.1012.III.704).

Et la Cour de cassation dans un arrêt du 15 janvier 2015 (Cass. 1ère civ. PIBD 1023.III.217) a jugé « qu’il incombait à celui qui agissait en contrefaçon de droit d’auteur d’identifier les caractéristiques de l’œuvre dont il sollicitait la protection ». C’est ce qu’a jugé plus récemment la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 13 juin 2017 (CA Paris, Pôle 5, ch. 1, 13 juin 2017. 15/10847) en ces termes « il incombe à celui qui entend se prévaloir des droits de l’auteur de caractériser l’originalité de l’œuvre revendiquée, c’est-à-dire de justifier de ce que cette œuvre présente une physionomie propre traduisant un parti-pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur », justifier c’est faire admettre ou s’efforcer de reconnaître comme juste, légitime et fondé.

Il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur de décrire son œuvre c’est-à-dire son modèle et de justifier qu’elle résulte d’un effort de création qui peut être objectivement défini au regard du domaine public.

L’on relève que dans le domaine du droit d’auteur selon un certain nombre de décisions, l’œuvre doit présenter une physionomie propre, et lorsqu’il s’agit d’un modèle enregistré ou déposé doit présenter un caractère propre ! Quelle est la différence entre une physionomie propre et un caractère propre.

C’est dire que ces considérations, ces difficultés, survenues postérieurement à la directive et au règlement communautaires, compliquent inutilement au préjudice des intéressés, une question que le cumul consacré, au surplus, par le droit communautaire avait réglée.

Et l’on constate qu’en Allemagne les modèles qui ne pouvaient être protégés qu’exceptionnellement par le droit d’auteur a pris acte de la consécration du cumul par le droit communautaire et protège aujourd’hui les œuvres de l’art appliqué de manière très large. Ont été récemment protégés des modèles d’escabeau par le droit d’auteur (CA Hambourg, 29 nov. 2012 IZR. 240/12. Chaise Tripp Trapp).

Avocat au Barreau de Paris
Professeur au CEIPI
Chargé d’enseignement à Sciences-PO Paris

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