PHOTOGRAPHIE
Les conditions de protection
Une photographie est susceptible d’être protégée par le droit d’auteur si elle est le résultat de choix libres et créatifs de la part de l’auteur.
(CA Paris, pôle 5, 1ère ch., 16 janvier 2013, n° 11/18788)
« Considérant qu’en l’espèce l’objet des photographies de ces sculptures, commandées par leur auteur, est de présenter les œuvres ainsi reproduites aux fins notamment de publication dans une monographie de l’artiste ;
Considérant que les choix du cadre de la prise de vue et de l’éclairage obéissent donc à des impératifs techniques justifiés par la nécessaire mise en valeur de ces œuvres et la restitution d’une image fidèle, sans recherche particulière ;
Considérant que dans les six photographies litigieuses les sculptures sont photographiées en gros plan soit de face, soit de profil, hors de tout décor, fond ou environnement mobilier et sans recherche particulière ce composition ;
Considérant qu’elles ne se différencient pas des autres photographies des sculptures de M. X. prises également de face ou de profil, en cadrage serré ou en légère contre-plongée soit par d’autres photographes, soit par lui-même ainsi qu’il en justifie par la production du catalogue « Paradise » de ses œuvres et du cédérom (pièce 12 de son dossier) des photographies de ses sculptures ;
Considérant que les photographies litigieuses ne sont donc que la simple reproduction fidèle d’œuvres d’art et ne revêtent qu’un caractère purement informatif ; que si elles sont d’une excellente qualité technique, elles ne sont que le reflet du savoir-faire de leurs auteurs dans le cadre d’un travail technique d’exécution sans être marquées par une quelconque originalité susceptible d’exprimer la personnalité de ceux- ci ; »
(CA Paris, pôle 5, 2ème ch., 8 mars 2013, n° 2012/09360)
(…)
« Les photographies ont été prises dans le cadre d’une campagne publicitaire qui a pour but la mise en valeur des produits à commercialiser et non la recherche artistique.
Il est établi et non contesté que X., directrice artistique et styliste, est la seule décisionnaire des éléments déterminant l’identité visuelle de la marque qu’elle a créée et il ressort de l’ensemble des témoignages concordants communiqués par l’intimée qui contredisent ceux de l’appelant exprimés en termes généraux et parfois contradictoires que les photographies sont soumis, lors des shootings dont le thème, le lieu, les produits portés, les mises en scène sont déjà choisis par elle, à des instructions extrêmement précises quant à la pose des mannequins, les angles de prises de vue, la lumière, et les cadrages.
(…)
Y. ne décrit d’ailleurs pas précisément quels sont ses apports originaux sur les deux clichés objets de la procédure.
Il apparait au contraire qu’il s’est contenté, lors du shooting, d’exécuter les directives données par la directrice artistique (…) ce qui corrobore le rôle décisionnel de X. dans la réalisation des photographies qui marquent dès lors l’empreinte de sa personnalité.
N’ayant agi (…) qu’en tant qu’exécutant il ne peut revendiquer aucun droit d’auteur sur les photographies litigieux et c’est à bon droit que le Tribunal l’a débouté de ses demandes ».
NOTE
Si aux termes de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, les œuvres photographiques peuvent être considérées comme des œuvres de l’esprit, elles doivent, pour accéder à ce statut, satisfaire à la condition d’originalité, laquelle se caractérise par la liberté de choix du photographe portant notamment sur l’angle de prise de vue, le cadrage, l’éclairage et la lumière, ou encore la mise en scène.
C’est ce que rappelle de manière constante la jurisprudence depuis une quinzaine d’années, en considérant que ne méritent pas d’être protégées des photographies qui, comme c’était le cas de celles ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 16 janvier 2013, se bornent à reproduire aussi fidèlement que possible et sans recherche esthétique une œuvre d’art.
Selon la jurisprudence en effet, si les choix du photographe obéissent à des impératifs techniques, les éclairages et l’angle de vue n’ayant pour but que de présenter aussi nettement que possible des produits, hors de tout décor et sans recherche de composition particulière (CA Paris, 4ème ch., sect. 10 sept. 2008, PIBD 2008, n° 883, III, p. 112), ou si ce choix est imposé par une tierce personne, le photographe ayant dû par exemple se conformer à des « instructions précises quant à la pose des mannequins, les angles de prise de vue, la lumière et les cadrages » comme le relève la Cour d’Appel de Paris dans sa décision du 8 mars 2013, l’effort créatif est absent et la photographie ne peut alors bénéficier de la protection de la loi.
La même observation peut être faite pour les photographies dites « de plateau », qui sont des clichés réalisés lors du tournage d’un film et utilisés ensuite par le producteur pour sa promotion. La protection sera fermée s’il est démontré que le photographe n’a eu ni le choix du décor, ni celui de l’éclairage ni celui du cadrage, et que son intervention s’est limitée à un travail technique d’exécution, fruit de son savoir-faire (CA Paris, 15 octobre 2003, Revue de la prop. Ind. mai 2004, p. 30 et nos obs).
C’est également en ce sens que s’est prononcée récemment la Cour d’Appel de Paris pour refuser toute originalité à des photographies prises lors de matchs et de compétitions sportives, en considérant que les photographies en cause « avaient été prises en rafale, qu’elles ne révélaient aucune recherche personnelle du photographe sur l’angle de prise de vue, le cadrage, les contrastes, la lumière, les physionomies, et
qu’elles n’étaient en conséquence pas éligibles à la protection du droit d’auteur » (CA Paris, pôle 5, 2ème ch., 24 fév. 2012, n° 10/10583).
Selon la Cour en effet, il apparaît étonnant que le photographe puisse se passer, à l’inverse des autres photographes sportifs, des derniers perfectionnements technologiques qui équipent les appareils photographiques numériques pour ne pas mitrailler leur cible mais pour prendre une à une des photographies alors que l’action qui se déroule sous ses yeux exige une rapidité d’exécution lors de la prise de la photographie. La Cour ajoutant que « l’ordinateur qui équipe désormais chaque appareil photographique numérique permet le réglage automatique de l’obturateur et de la vitesse, la lumière dans un stade ne constituant qu’une donnée que la technique maîtrise, de telle sorte que la prise de vue nécessite un minimum d’intervention manuelle, ce qui constitue un atout pour le photographe sportif qui souhaite éviter des réglages longs, nuisibles à l’action photographique ».
Suivant toujours le même raisonnement, la Cour d’Appel de Paris a encore pu estimer que des photographies prises par des paparazzi étaient dépourvues de toute originalité, dès lors que « (…) les photographes ont eu un comportement purement passif puisqu’ils se sont bornés à installer leurs objectifs en direction du téléski afin de disposer d’une fenêtre de visée, entre les arbres, et à déclencher leurs appareils à l’apparition du Prince William et de Kate Middleton ; qu’ils ne sauraient donc se prévaloir d’une quelconque mise en scène, ni d’un cadrage particulier, pas plus que du choix d’un angle de vue et encore moins du moment pour réaliser les clichés litigieux, dès lors que l’instant auquel ils ont déclenché leurs appareils était exclusivement commandé par l’apparition, pour quelques secondes, des personnages prises pour cible ; que, en outre, il n’est pas démontré, ni même allégué, qu’ils aient « retravaillé » ces clichés » (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 5 déc. 2007, comm.com.électr.fév 2008 p 27 note Caron).
Le photographe doit donc, selon la jurisprudence, disposer d’une réelle autonomie créative, ainsi que d’une liberté dans ses choix esthétiques lesquels, comme l’a souligné la Cour d’Appel de Paris dans son arrêt précité du 5 décembre 2007, et comme l’a également rappelé la Cour de Justice des Communautés Européennes dans un arrêt du 1er décembre 2011, peuvent intervenir à plusieurs moments au cours de la réalisation de la photographie : « Au stade de la phase préparatoire, l’auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage. Lors de la prise de la photographie (…) il pourra choisir le cadrage, l’angle de prise de vue ou encore l’atmosphère créée. Enfin, lors du tirage du cliché, l’auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu’il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciels » (CJCE, 1er décembre 2011. Affaire C-145-10, comm.com.électr.mars 2011 p 26 note Caron).
La jurisprudence protège ainsi les photographies témoignant d’un effort intellectuel et d’un travail personnel de création, produit de la pensée, de l’esprit, du goût et de l’intelligence de l’opérateur.
Elle précise aujourd’hui mieux ce qui est protégeable en définissant ce qui ne l’est pas.