L’article 7 de la loi du 7 juillet 2016 qui a pour objet d’assurer la liberté de création ainsi conçu : « Les contrats par lesquels sont transmis les droits d’auteur doivent être constatés par écrit », vient s’insérer après le premier paragraphe dans l’article 132-2 du CPI lequel comportait deux paragraphes qui sont les suivants :
« Les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d’exécution.
Dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1359 à 1362 du Code civil sont applicables ».
Aux termes de cette disposition seules donc les œuvres visées au premier paragraphe devaient être conclues par écrit et il est de jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation que la cession d’un dessin ou d’un modèle pouvait résulter de la commune intention des parties.
La question s’est alors posée de savoir quelles pouvaient être les œuvres concernées par le troisième paragraphe compte tenu du deuxième et nouveau paragraphe : « Les contrats par lesquels sont transmis les droits d’auteur doivent être constatés par écrit » et « dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1359 à 1362 du Code civil sont applicables ». L’on imagine les difficultés qui pourraient résulter de l’application de l’article 7 pour les industries des métiers d’art, dispositions à l’évidence inapplicables.
Ces dispositions n’ont pas manqué d’attirer l’attention du Sénateur Richard YUNG qui connaît tout particulièrement le domaine de la propriété industrielle pour avoir été Secrétaire Général de l’INPI, Directeur de l’OMPI, Directeur de l’Office Européen des Brevets et Président du Comité Français anti-contrefaçon. Le Sénateur a donc posé à Madame la Ministre de la Culture, le 16 février 2017 la question écrite suivante, publiée dans la revue de la Propriété Industrielle d’avril 2017 :
« En vertu du deuxième alinéa de l’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle, les « contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit ». Ces dispositions ont été introduites par l’article 7 de la loi no 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Avant l’entrée en vigueur de cette dernière, l’article L. 131-2 comportait deux dispositions, l’une énumérant limitativement les contrats de droit d’auteur obligatoirement conclus par écrit, l’autre précisant que dans tous les autres cas, la preuve de la cession se faisait dans les termes du droit commun et pouvait donc résulter de la commune intention des parties. En effet, le designer qui remet à un fabricant le dessin d’une montre ou celui d’un modèle de maroquinerie cède nécessairement ses droits de reproduction, en contrepartie de l’honoraire qu’il reçoit ou du salaire qu’il perçoit. Il lui rappelle qu’en droit français les modèles (œuvres des arts appliqués et créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure) sont expressément protégés par le droit d’auteur au même titre que les créations relevant de l’art pur. Il note que les dispositions figurant au deuxième alinéa de l’article L. 131-2 ne précisent ni ne définissent les œuvres dont la cession doit être constatée par écrit. Selon le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, ces dispositions s’appliqueraient au « domaine des arts visuels ». Il souhaite savoir si ces dispositions ne concernent que les arts visuels et ne s’étendent pas aux œuvres des arts appliqués. Par ailleurs, il lui demande quels sont les cas concernés par le troisième alinéa de l’article L. 131-2, qui dispose : « Dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1359 à 1362 du code civil sont applicables ».
Monsieur le Sénateur YUNG rappelle que les modèles sont cumulativement protégés par les dispositions du livre I et V du CPI, ce qui n’est pas contestable compte tenu des termes de la directive du 13 octobre 1998, du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001 et de l’ordonnance du 25 juillet 2001 « La règle traditionnelle en France du cumul total de protection entre le droit d’auteur et le droit spécifique sur les dessins et les modèles règle issue de la théorie de l’art est entièrement maintenue » et demande à la Ministre si les œuvres des arts appliqués sont concernés par l’article 7 de la loi et quelles sont les œuvres visées par le troisième paragraphe dudit article « dans les autres cas, les dispositions des articles 1359 à 1362 du Code civil sont applicables ».
Madame la Ministre de la Culture a répondu le 11 janvier 2018 (JO du 11 janvier 2018) et convient que la règle posée par l’article 7 de la loi du 7 juillet 2016 « mérite d’être précisée quant à sa portée et à son champ d’application ». Elle précise que la portée de la règle imposant l’existence d’un écrit n’est pas absolue au motif que l’article 7 pose « une règle de preuve et non de fond » d’une part et d’autre part que les œuvres concernées sont les œuvres des auteurs « d’œuvres graphiques et plastiques et notamment des arts visuels » :
« Réponse : L’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle (CPI) prévoit que les contrats de représentation, d’édition et de reproduction audiovisuelle, comme les autorisations gratuites d’exécution doivent être constatés par écrit. L’article 7 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine est venu compléter l’article L. 131-2 du CPI afin de préciser que l’obligation de constatation par écrit vaut pour tous les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur. L’objectif de cette disposition est de protéger les auteurs contre les pratiques contractuelles informelles qui se sont développées, notamment dans le domaine des arts visuels, et de garantir aux parties une meilleure transparence des relations contractuelles. La règle posée par l’article 7 de la loi du 7 juillet 2016 mérite d’être précisée quant à sa portée et à son champ d’application. La portée de la règle imposant l’existence d’un écrit n’est pas absolue. Il convient en effet de préciser que l’article L. 131-2 du CPI pose une règle de preuve et non une règle de fond conditionnant la validité des contrats. Si l’écrit est nécessaire pour administrer la preuve des contrats, son défaut est sans conséquence sur leur validité. L’absence d’écrit n’a pas davantage de conséquence sur l’opposabilité du contrat d’auteur aux tiers, laquelle est en principe indépendante de toute publicité ou formalité d’inscription sur un registre spécial. S’agissant du champ d’application de la règle généralisant l’exigence d’un écrit, les débats parlementaires laissent transparaître que la volonté initiale du législateur était de protéger les auteurs d’œuvres graphiques et plastiques, et notamment des arts visuels. Il faut en déduire que le législateur n’a pas entendu imposer cette règle de preuve aux arts appliqués qui sont au service d’une fonction utilitaire et bénéficient, à ce titre, d’un régime propre de protection reposant sur un cumul du droit des dessins et modèles et du droit d’auteur. A cet égard en ne supprimant pas le dernier alinéa de l’article L. 131-2 du CPI qui précise que « dans tous les autres cas, les dispositions des articles 1359 à 1362 du code civil sont applicables », l’article 7 de la loi du 7 juillet2016 laisse entendre que l’exigence d’un écrit n’est pas généralisée à l’ensemble des contrats. La preuve de certains contrats continue d’obéir aux règles de droit commun posée par le code civil. Cette dernière réserve ne paraît désormais pouvoir être appliquée que dans le domaine des créations utilitaires, et notamment des œuvres des arts appliqués, où la fonction économique du droit est essentielle. La ministre de la culture sera attentive aux éventuelles jurisprudences qui pourraient venir confirmer ou contredire cette interprétation ».
La réponse est satisfaisante dans la mesure où la Ministre de la Culture précise clairement que le libellé de l’article 7 méritait quelques explications !, et confirme que les œuvres des arts appliqués ne sont pas en l’espèce concernées par l’exigence de l’écrit lors de leur cession.
Il convient en outre de relever que la Ministre rappelle qu’en droit français les modèles sont cumulativement protégés ce que contestent cependant quelques décisions des tribunaux, qui sont généralement infirmées par la Cour !