1 – LE CRITERE DE L’EXECUTION REPETEE
2 – Un panneau en bois sur lequel sont dessinées des lignes ondulées ne se croisant jamais constitue-t-il une œuvre protégée par le livre I du CPI.
3 – Un panneau en bois comportant une gravure de lignes ondulées irrégulières ne se croisant jamais, espacées les unes des autres d’une distance variant de 1 à 15 mm, les lignes étant de couleurs différentes du placage en bois, est protégeable au titre du droit d’auteur.
Ces lignes de part leur recherche esthétique ne peuvent être qualifiées de techniques et ne peuvent, par ailleurs être décrites (sic) de banales figures géométriques, puisque l’originalité du panneau réside justement, dans la combinaison des lignes ondulées ne se croisant jamais et toutes irrégulières.
CA Paris, pôle 5, chambre 2, 2 décembre 2011
4 – NOTE
La Cour d’appel de Paris, confirmant un jugement du Tribunal de commerce, protège un dessin constitué par de simples lignes, disposées sur un panneau de bois dont elle donne la définition rappelée ci-dessus.
La société poursuivie soutenait que ce dessin n’était pas original aux motifs que « les lignes ondulées du panneau n’avaient pas de graphisme particulier, mais aléatoire, ce qui excluait qu’il s’agisse d’une œuvre nécessitant une fixation ».
La Cour a jugé que « les lignes telles que définies de part leur recherche esthétique ne pouvaient être qualifiées de technique » et qu’elles ne pouvaient être « qualifiées de banales puisque l’originalité du panneau résidait dans la combinaison des lignes ondulées ne se croisant jamais et étant toutes irrégulières ».
L’on peut se demander si la protection accordée ainsi par la Cour pour de simples lignes ondulées ne se croisant pas disposées sur un panneau de bois est fondée.
La société poursuivie soutenait qu’il ne pouvait s’agir en l’espèce d’une « œuvre nécessitant une fixation » faisant ainsi référence au critère de l’exécution répétée.
Les dispositions anciennes de l’article L. 511-3 du CPI visaient les effets extérieurs ; l’article 511-1 nouveau protège « l’apparence d’un produit caractérisé en particulier… par sa texture… » ; une texture est un arrangement ou une disposition des éléments d’une matière, ou bien encore une structure.
Ainsi, exprimées différemment, les nouvelles dispositions du livre V protègent ce que les anciennes désignaient sous le nom d’ « effets extérieurs ».
Mais il faut alors définir ce que l’on entend par l’apparence de la texture d’un produit, ou par ses effets extérieurs, la loi ne protégeant ni les idées ou concepts.
Il appartient à celui qui revendique un droit sur une création de la forme, un dessin ou un modèle, d’en définir la configuration, et s’il résulte de cette définition que l’objet est susceptible d’être reproduit à l’identique et indéfiniment, il pourra alors être éventuellement protégeable.
C’est au critère dit de l’exécution répétée que la Cour de cassation se réfère en effet. C’est ainsi qu’il a été jugé que « c’est à juste titre que pour rejeter une demande en contrefaçon, une Cour d’appel avait souverainement estimé que les prescriptions et dessins invoqués se réduisaient à des principes généraux exclusifs d’indications suffisamment concrètes et précises. De même qu’elle avait pu exposer que la planche illustrative de la façade du magasin et la représentation d’un aménagement intérieur étaient trop imprécises et partielles pour s’assimiler à un projet type permettant une exécution répétée ». (Cass. 1ère Civ. 17 juin 2003.JCP. E. 2003.1641).
La Cour de Paris a d’autre part jugé, adoptant ce même critère (CA Paris 4ème Ch. A 26 oct. 2005. JCP. E.2006. 1708.Obs F. Greffe. PIBD 2006.821.III.31) dans une affaire concernant l’aménagement de magasin « qu’une société ne s’était pas bornée à formuler un concept, mais l’avait concrétisé par des plans et dessins et qu’il résultait de ces éléments qu’elle avait créé et formalisé un projet permettant une exécution répétée, de sorte qu’elle ne revendiquait pas la protection d’une simple idée » (V. encore CA Paris 4ème Ch. B 12 sept. 2008. PIBD 2009.886.III.713).
Il résulte de la décision que le dessin revendiqué était parfaitement défini dans son exécution, et c’est donc à juste titre qu’il a été protégé.
Le critère dit de « l’exécution répétée » mérite une attention toute particulière.
Ce critère, qui exprime plus brièvement et plus clairement cette exigence déjà formulée pour la première fois par la Cour de Paris dans un arrêt du 20 mai 1967 (CA Paris 20 mai 1967.JCP. G. 1968.II.15410. F et P GREFFE – Traité des dessins et des modèles 8ème éd. 2009.n° 34 et s.) selon laquelle une combinaison, pour prétendre à la protection, devait être stable, bien individualisée, et correspondre à des éléments fixes, est la conséquence du principe constant qu’un dessin ou modèle doit pouvoir être défini dans sa configuration, dans ses lignes et ses contours. A défaut, la revendication tendrait à voir protéger une idée.