La contrefaçon d’un DMCNE peut être retenue en cas d’imitation et le défendeur à l’action en contrefaçon doit démontrer sa bonne foi.
« Les meubles [incriminés]… ne produisent pas sur l’utilisateur averti, soit en l’espèce l’acheteur de meubles, une impression visuelle globale différente et constituent des copies des modèles communautaires non enregistrés ; la contrefaçon des modèles communautaires non enregistrés est donc… constituée, la copie excluant toute bonne foi des sociétés des sociétés [poursuivies en contrefaçon], lesquelles n’invoquent au demeurant aucun travail de création indépendant et n’établissent l’existence d’aucune antériorité ».
CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 6 juill. 2018, n° 17/07572
NOTE :
Aux termes de l’article 19 §2 du règlement communautaire, le titulaire d’un DMCNE est en droit de faire interdire des actes d’utilisation de son dessin ou modèle si cette utilisation « résulte d’une copie ».
Certaines décisions ont interprété de façon restrictive la notion de copie, considérant qu’elle s’oppose à l’imitation qui se définit comme la reprise de certaines caractéristiques d’un modèle « sans le reproduire en sa totalité et aboutit à un résultat similaire et non identique » (notamment TGI Paris 3ème ch., 3ème sect., 19 nov. 2010, PIBD 2011, n° 935, III, p. 197).
La contrefaçon d’un DMCNE ne pourrait dès lors être retenue qu’en cas de copie à l’identique et elle devrait en revanche être écartée en cas de simple imitation (en ce sens v. également CA Paris, Pole 5, ch. 2, 16 sept. 2016, n° 15/11045. – CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 27 fév. 2017, n° 16/03357).
Cette interprétation de la notion de copie, au demeurant peu favorable aux créateurs, n’est pas conforme à l’article 19 §2 du règlement.
D’une part, il n’est question dans cet article que de copie et non de copie servile ou de copie à l’identique (Jérôme Passa, Droit de la propriété industrielle, Tome I, 2006, éd. LGDJ, p. 785).
D’autre part, la notion de copie n’est exclue que si l’utilisation contestée « résulte d’un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu’il ne connaissait pas le dessin ou le modèle divulgué par le titulaire », ce qui signifie que la contrefaçon, qu’elle soit totale ou partielle, est uniquement subordonnée à la mauvaise foi du poursuivi en contrefaçon (Frédéric Pollaud-Dulian, La propriété industrielle, 2011, éd. Economica, p. 1343 et 1344).
Le terme de copie ne peut donc être réduit à la notion de copie « servile » mais, comme le souligne la décision commentée, doit être appréhendé à la lumière de l’article 10 du règlement selon lequel la protection d’un DMCNE « s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente » (dans le même sens, v. CA Paris, Pôle 5, ch. 1, 22 mars 2016, n° 14/26251. – CA Paris, Pôle 5, ch. 1, 25 avr. 2017, n° 15/23772).
Se pose alors la question de savoir si le titulaire d’un DMCNE sera tenu de prouver que l’utilisation arguée de contrefaçon résulte d’une « copie » de son dessin ou modèle au sens de l’article 19 §2 du règlement en démontrant la mauvaise foi du défendeur.
Une telle preuve étant dans la presque totalité des cas impossible à rapporter, la CJUE a admis que le juge national puisse recourir à « des aménagements ou des allégements de la charge de la preuve », et notamment au mécanisme de la présomption (CJUE, 3ème ch., 13 fév. 2014, Aff. C479-12).
C’est en ce sens que se prononce ici la Cour d’appel de Paris en considérant que « la copie [exclut] toute bonne foi », ce d’autant que les défenderesses n’ont invoqué « aucun travail de création indépendant [ni] l’existence d’aucune antériorité ».
Cette solution ne peut qu’être approuvée tant il est vrai qu’en cas de copie le seul fait matériel de la contrefaçon implique, ou en tout cas laisse présumer, que le contrefacteur avait à sa disposition l’objet qu’il a copié.
C’est également la solution retenue par la jurisprudence en droit d’auteur. La Cour de cassation a ainsi cassé une décision au motif que « la contrefaçon [d’une œuvre] résulte de sa seule reproduction et ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux œuvres procèdent d’une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d’une source d’inspiration commune » (Cass. 1ère civ., 2 oct. 2013, n° 12-25941).