La seule énumération des caractéristiques d’une œuvre, tel un bijou sur lequel des droits d’auteur sont revendiqués, peut permettre, sans qu’il soit nécessaire pour son auteur de recourir à des explications subjectives, de révéler l’empreinte de la personnalité de son auteur.
L’importante question de la charge de la preuve de l’originalité et de sa démonstration continue de susciter des difficultés, particulièrement dans le domaine des arts appliqués.
Une proposition de loi modifiant l’article L. 112-1 du CPI, présentée au Sénat, ferait peser la charge de la preuve sur l’une et l’autre parties puisque son second alinéa serait désormais ainsi rédigé : « Il appartient à celui qui conteste l’originalité d’une œuvre d’établir que son existence est affectée d’un doute sérieux et, en présence d’une contestation ainsi motivée, à celui qui revendique des droits sur l’œuvre d’identifier ce qui la caractérise » (comm. com. électr. oct. 2023, comm. 69, P. Kamina).
Si la répartition de la charge de la preuve entre les parties est ainsi réglée, il reste à savoir si, en cas de « doute sérieux », l’auteur sera tenu d’expliquer, de manière subjective, en quoi son œuvre est originale comme l’exige encore une partie de la jurisprudence (notamment CA Paris, pôle 5, ch. 1, 19 oct. 2021, n° 19/21444. – CA Paris, pôle 5, ch., 1, 22 sept. 2020, n° 18/10181. – CA Aix-en-Provence, 8ème ch., 14 juin 2018, n° 2017/03865).
Peut-on, au contraire, admettre qu’une description complète, précise et objective de l’objet revendiqué est suffisante pour caractériser son originalité (en ce sens, pour un manche de couteau, CA Paris, 15 avr. 2022, pôle 5, ch. 2, n° 20/07813. – pour un bracelet, CA Paris, pôle 5, 2ème ch, 20 janv. 2023, n° 2021/05655. – pour un dessin, CA Paris, pôle 5, 1ère ch., 15 mai 2018, n° 2016/15441. – pour des maillots de bain, CA Paris, pôle 5, 2ème ch., 19 oct. 2018, n° 2017/00906).
Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris (, Pole 5, ch. 1 , 27 sept. 2023, n° 21/11106) qui concernait un bijou, la Cour estime que si la description qui en est faite par le demandeur, consistant à énumérer « la combinaison des éléments » qui le caractérise « (…) est avant tout objective », cette description demeure suffisante pour justifier de son originalité dans la mesure où « elle permet de circonscrire clairement le périmètre des caractéristiques revendiquées, soit un objet identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité ».
La Cour écarte ainsi toute appréciation de l’originalité fondée sur des explications subjectives de l’auteur.
Il est vrai qu’une telle démonstration de l’originalité se révèle dans la pratique extrêmement difficile, qu’elle donne le plus souvent lieu à des explications nébuleuses de la part des auteurs et qu’elle est, en outre, source de très grande insécurité.
Comment pourrait-on, par exemple, caractériser subjectivement l’originalité d’œuvres collectives, comme le sont la plupart des œuvres des arts appliqués ?
Et comment procéder lorsque l’auteur est décédé ?
Quel crédit peut-on accorder à une attestation émanant d’un créateur qui est partie au litige et le recours à une analyse subjective, pour justifier de l’originalité, ne constitue-t-il pas, en définitive, un retour en arrière de la jurisprudence sur le mérite de l’œuvre ?
On voit très vite les limites d’une telle approche et il n’est, en effet, pas raisonnable d’exiger du demandeur à l’action en contrefaçon qu’il démontre l’originalité de son œuvre par une analyse subjective, une telle preuve étant, de surcroit, impossible à rapporter.
Il devrait simplement lui appartenir de préciser, c’est-à-dire de dépeindre, les éléments constitutifs de son modèle et c’est à partir de cette description objective que le juge sera alors en mesure d’apprécier, en tenant compte de l’art antérieur, si celui-ci procède ou non d’un effort de création.
C’est ce raisonnement qui est ici suivi par la Cour qui, partant de la description objective du bijou par le demandeur, estime que la combinaison des éléments qui le caractérise, telle qu’elle est « strictement revendiquée », présente des différences « suffisamment nettes et significatives », au regard des œuvres préexistantes, pour être éligible à la protection par le droit d’auteur.
Cette approche objective est assurément plus protectrice des intérêts des créateurs, elle assure une plus grande sécurité juridique et elle est, enfin, conforme à la proposition de loi précitée qui exige seulement que le demandeur à l’action en contrefaçon identifie les caractéristiques originales de l’œuvre revendiquée.