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Contrefaçon – Modèle enregistré reproduit dans une publicité – Caractère accessoire de la reproduction

Source : CA Paris 27 nov. 2015 Pôle 5 ch. 2 R.G. 13/21612

RÉSUMÉ :

En faisant figurer, sans autorisation, sur le visuel litigieux un modèle de parapluie qui ne produit pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente de celle produite par le modèle déposé, les sociétés intimées ont porté atteinte aux droits de la société appelante dont la protection est assurée par le livre V du Code de la propriété intellectuelle.

OBSERVATIONS

Cet arrêt confirme un jugement de la 3ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris du 10 octobre 2013 (PIBD 2013.997.III.40).

Il s’agissait d’un visuel publicitaire vantant les vertus de produits de coloration pour cheveux qui présentait un mannequin tenant dans ses mains un modèle de parapluie à motifs marinière combinant de fines rayures horizontales et le dessin d’une fermeture à glissière.

Le titulaire de ce modèle de parapluie avait saisi le Tribunal d’une action en contrefaçon de son modèle fondée sur les dispositions du livre V du Code de la propriété intellectuelle.

La question posée était alors de savoir si l’inclusion d’un dessin ou d’un modèle déposé dans l’illustration d’une annonce ou d’une affiche publicitaire constituait une contrefaçon en application du livre V au regard de l’article L. 513-4 du Code de la propriété intellectuelle.

Comme le Tribunal, la Cour rappelle que la liste des actes susceptibles de constituer des actes de contrefaçon contenue à l’article L. 513-4 précité « porte sur un produit, au sens de l’article 1er sous b) de la directive 98/71/CE à la lumière de laquelle doit être interprété le droit national, fabriqué et mis sur le marché » pour en conclure fort logiquement que cet article ne peut servir de fondement à l’action.

En effet, ces dispositions concernent une hypothèse particulière, celle de la reproduction d’un produit incorporant un dessin ou un modèle. Un usage à titre publicitaire d’un modèle ne peut donc constituer un acte illicite au sens de ces dispositions.

Mais un tel usage n’entre cependant pas dans le champs des exceptions au droit exclusif du titulaire d’un modèle qui sont prévues à l’article L. 513-6 du Code de la propriété intellectuelle.

C’est ce qu’avait jugé le Tribunal en estimant qu’il « se déduit a contrario de ces dispositions que la reproduction d’un modèle est contraire au droit de son titulaire lorsque les conditions sus-énoncées [de l’article L 513-6] ne sont pas réunies » ajoutant que « même si on admettait que la reproduction du modèle de parapluie [du déposant] est un usage à titre d’illustration, il conviendrait de relever que la première des conditions n’est pas remplie car l’indication de l’enregistrement et de son titulaire ne figure par sur le visuel ».

La Cour, tout en confirmant le jugement, retient une définition plus générale de la contrefaçon selon laquelle « la protection conférée par l’enregistrement d’un dessin ou modèle s’étend à tout dessin qui ne produit pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente, étant de plus rappelé que son libellé est sans incidence sur l’étendue de la protection » se référant ainsi à l’article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle.

Enfin, uniquement saisi sur le fondement du livre V, le Tribunal avait écarté la théorie de l’accessoire en soulignant que la présence du parapluie dans le visuel constituait un élément essentiel du décor et de l’ambiance créée par celui-ci, ce que confirme la Cour en estimant que le parapluie figurant dans le visuel « ne peut être tenu pour insignifiant et contribue manifestement au message véhiculé… ».

Le Tribunal avait en outre estimé, de manière incidente, «qu’en toutes hypothèses, il y a lieu de relever que la jurisprudence de l’accessoire s’applique dans le domaine des droits d’auteur et non dans le domaine des dessins et modèles qui répondent à des règles différentes ».

La Cour se borne quant à elle à constater que le modèle en cause n’est pas accessoire au sujet traité, considérant ainsi implicitement que la théorie de l’accessoire peut aussi s’appliquer pour les dessins et les modèles.

Rien ne s’oppose effet, selon nous, à ce que la théorie de l’accessoire puisse également s’appliquer en matière de dessins et modèles. Cette théorie ne constitue en effet pas une exception relative au libre exercice du droit d’auteur mais elle est « hors du droit d’auteur, avec lequel elle se trouve en quelque sorte en concurrence et [elle] ne lui est pas supérieure » (« Le triomphe de la théorie de l’arrière-plan » par Pierre-Yves Gautier, Comm. com. élec. Nov. 2008 p. 23).

Il s’agit donc d’un principe général du droit qui n’a pas vocation à s’appliquer uniquement au droit d’auteur. Rappelons d’ailleurs que les dispositions de l’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle, qui énumèrent les exceptions au monopole du droit de l’auteur, ne visent pas l’exception de l’accessoire, exception qui est prévue par la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 (« Droit d’auteur et théorie de l’accessoire : si l’accessoire révélait l’essentiel ? » par Michel Vivant, JCP E n° 30-33, 28 juill. 2011, 1560 ; Cass, 1ère civ, 12 mai 2011 n°08-20.651).

La question reste en tout cas posée et la Cour de cassation, voire la Cour de Justice des Communautés Européennes, auront peut être un jour l’occasion de nous apporter la réponse.

Avocat à la Cour
Professeur au CEIPI

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