Solution : « Si la contrefaçon s’établit par les ressemblances résultant de la reprise des éléments caractéristiques des œuvres concernées, et que dès lors que ces éléments caractéristiques résultent d’une combinaison, la contrefaçon ne peut être établie que si on retrouve une combinaison identique ou tout au moins une combinaison reprenant dans un même agencement les éléments caractéristiques des œuvres revendiquées ».
Impact : Pour les créations dont l’originalité consiste en une combinaison d’éléments, l’atteinte aux droits d’auteur ne peut consister qu’en une reproduction de la combinaison, tandis que la reproduction des mêmes éléments non combinés n’est pas constitutive de contrefaçon, ces derniers pris séparément ne bénéficiant d’aucune protection.
CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 14 juin 2024, n° 22/20621
Note :
Pour apprécier s’il y a ou non contrefaçon, il faut d’abord définir l’originalité de l’œuvre laquelle peut consister en une combinaison d’éléments du domaine public, ladite combinaison étant alors protégée en tant que telle (par ex. : TJ Paris, 3è ch., 1re sect., 15 fév. 2024, n° 22/05311 ; CA Rennes, 3è ch. com., 23 janv. 2024, n° 21/07485 ; CA Lyon, 1re ch civ., 22 fév. 2024, n° 20/06309 ; Cass. 1re civ., 25 mai 2023, n° 22/14651).
Il en résulte que toutes les ressemblances ou similitudes ne sont pas constitutives de contrefaçon.
La Cour d’appel de Paris se prononce à nouveau sur cette question, celle de l’appréciation de la contrefaçon lorsque les ressemblances portent, non pas sur la combinaison d’éléments qui est protégée, mais seulement sur des éléments de cette combinaison pris isolément.
Une société revendiquait au titre du livre I du Code de la propriété intellectuelle deux sacs dont l’originalité résultait, selon elle, de la combinaison d’un certain nombre d’éléments.
La Cour, après avoir rappelé que « l’originalité d’une œuvre de l’esprit est une condition lui permettant de bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur et non pas une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon » (Cass. com., 29 janv. 2013, n° 11-27.351 : JurisData n° 2013-001422. – CA Paris, pôle 5, ch. 1, 30 mai 2017, n° 14/12017. – CA Paris, pôle 5, ch. 1, 29 janv. 2019, n° 17/11182 : JurisData n° 2019-025318 ; Propr. Industr. 2020, chron. 5, M.-E. Haas – CA Paris, pôle 5, ch. 1, 22 sept. 2020, n° 18/10181 : JurisData n° 2020-016124 ; Propr. Industr. 2021, chron. 4, P. Greffe. – CA Paris, pôle 5, 1re ch., 29 juin 2021, n° 18/05368 : JurisData n° 2021-021315 ; en sens contraire, v. cependant une décision isolée : CA Versailles, 12è ch., 2 fév. 2023, n° 21/03099), juge que la demanderesse « (…) énumère les caractéristiques sur lesquelles des droits d’auteur sont revendiqués et démontre avoir procédé à des choix de forme, de montage, d’assemblage et de fermeture alliant ainsi fonction et forme. Ces choix arbitraires et esthétiques, même s’ils empruntent au fonds commun de l’accessoire de mode avant 2019 octobre 8, 2024, font que l’aspect global des sacs considérés porte l’empreinte de la personnalité de leur auteur ».
Elle écarte cependant la contrefaçon au motif que les sacs incriminés « ne reprennent (…) pas les éléments caractéristiques des sacs [revendiqués] dans une combinaison identique ou tout au moins une combinaison reprenant dans un même agencement les éléments caractéristiques (…) » (dans le même sens voir un arrêt du 22 juin 2021 dans lequel la Cour d’appel rappelle que « la contrefaçon s’apprécie au regard des ressemblances et non des différences » mais écarte la contrefaçon en relevant que les ressemblances entre les sacs en litige tenaient à la reprise des caractéristiques qui ressortissent à un fonds commun non appropriable alors que « la chaine métallique fixée à l’anneau central par un mousqueton et reliant cet anneau central à l’un des côtés du sac, qui combinés aux autres caractéristiques fait l’originalité du sac, ne se retrouve pas [sur le sac incriminé] » (CA Paris, pôle 5, ch. 1, 22 juin 2021, n° 19/16343)).
Ainsi, des ressemblances ne sont constitutives de contrefaçon que lorsqu’elles portent sur des éléments d’originalité, mais dans le cas d’une combinaison nouvelle de plusieurs éléments connus, l’élément d’originalité sera représenté par la combinaison.
Pour déterminer s’il y a contrefaçon, on examinera donc les modèles revendiqués et les produits argués de contrefaçon, afin de savoir si dans chaque cas, l’objet incriminé reproduit, dans son ensemble, l’œuvre invoquée.
Cette règle n’est finalement que le complément de celle établie à propos de l’appréciation de l’originalité, appréciation qui doit s’effectuer de façon synthétique et non de manière analytique (Cass. 1ère civ., 7 oct. 2020, n° 19-11.258 qui censure une décision ayant dénié toute originalité à une applique pour éclairer des tableaux : « en se déterminant ainsi sans prendre en considération, comme il le lui incombait, l’ensemble des caractéristiques dont la combinaison était revendiquée comme fondant l’originalité de l’œuvre, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » ; CA Paris, pôle 5, ch. 1, 27 sept. 2023, n° 21/11106 ; CA Paris, pôle 5, ch. 2, 20 janv. 2023, n° 21/05655 ; CA Paris, pôle 5, ch. 2, 15 avr. 2022, n° 20/07813).