Dessins et modèles
APPEL : « MÊMES FINS » ET « FONDEMENT JURIDIQUE DIFFÉRENT »
L’article 565 du Code de procédure civile dispose que « les prétentions ne sont pas nouvelles dès qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
« La demande de la société appelante tendait à faire constater des atteintes à ses droits sur le fondement du droit des dessins et modèles enregistrés qui relève d’un régime autonome de celui du droit d’auteur ; pour autant le cumul des deux protections qui n’est pas automatique, est possible.
« Le droit d’auteur est fondé sur la protection d’une œuvre originale marquée par l’empreinte de son auteur, le droit des dessins et modèles sur celle d’une œuvre nouvelle et propre ; en l’espèce l’œuvre revendiquée (un modèle de sandale) est la même et la société appelante oppose une sandale commercialisée par la société intimée comme portant atteinte à ses droits par chacun des deux régimes.
« En conséquence, quand bien même il appartient à la Cour d’examiner le litige au regard de deux droits distincts, la demande de la société appelante en cause d’appel est une demande qui tend à faire constater une contrefaçon donc à la même fin que celle présentée en première instance.
« En conséquence la demande formulée en contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur en cause d’appel ne constitue pas une demande nouvelle ».
CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 4 mai 2018, R.G. 17/06372
NOTE:
Cet arrêt qui concernait un modèle de sandale répond à la question de savoir s’il est possible d’invoquer à la Cour, pour la première fois au soutien d’une action en contrefaçon de modèle les dispositions du livre I du CPI, seules les dispositions du livre V, s’agissant en l’espèce d’un modèle déposé, l’ayant été en première instance, ou inversement pour la première fois à la Cour les dispositions du livre V ou celles du règlement communautaire.
Jusqu’à un arrêt de la 4ème chambre de la Cour du 24 juin 2011, une jurisprudence à la fois ancienne et constante considérait que le fait d’invoquer pour la première fois à la Cour les dispositions sur le droit d’auteur ne constituait pas une demande nouvelle, que ce soit sous les dispositions de l’ordonnance du 25 juillet 2001, ou antérieurement.
Dans son arrêt du 24 juin 2011 la Cour de Paris avait en effet jugé qu’il s’agissait d’une demande nouvelle au motif que « l’action en contrefaçon de modèle tend à voir sanctionner l’atteinte portée aux droits patrimoniaux, tels qu’ils sont définis aux articles L. 513-1 et suivants du CPI dont son propriétaire est titulaire tandis que l’action en contrefaçon de droit d’auteur est destinée à voir sanctionner l’atteinte aux droits moraux et patrimoniaux tel qu’il résulte des articles L. 121-1 et suivants du même Code dont se trouve investis l’auteur d’une œuvre de l’esprit (CA Paris, pôle 5, 2ème ch., 24 juin 2011. – Propr. industr. déc. 2011 et nos obs.). Mais il est vrai que cet arrêt avait été critiqué par la doctrine et que la Cour de Paris est une première fois revenue sur cette décision qui ne faisait, au détriment des intéressés, que compliquer inutilement la procédure. (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch, 1er mars 2013, Propr. industr. sept. 2013 et nos obs)
Que l’on se place en effet sur le terrain du livre V, sur celui du règlement n° 6/2002 ou sur celui du livre I, l’action tend aux mêmes fins, à savoir sanctionner l’atteinte à un droit de création.
En revanche, l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale ne constituent pas, sous des formes différentes, l’exercice du même droit et ne tendent pas aux mêmes fins (cass com., 6 juin 2016, PIBD 2016, n° 1058, III, n° 822. – cass. com., 29 mars 2011, PIBD 2011, n° 940, III, p. 354)