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Combinaison nouvelle d’éléments connus. Élément éphémère. Élément consommable.

Source : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 7 avr. 2015, n° 14/07503, François de Fonbelle c/ Sté Vinessen : JurisData n° 2015-008797 ; PIBD 2015, n° 1028, III, p. 398 

RÉSUMÉ :

Le modèle tridimensionnel tel que déposé est constitué de la combinaison d’un flacon en verre translucide en forme de Tour Eiffel, sur lequel est apposée une étiquette rouge portant une inscription blanche non déterminable, collée sous l’une des arches de la Tour Eiffel, et surmontée d’un bouchon rouge et rond légèrement translucide, le flacon étant rempli de trois couches de bonbons en forme de bille, de couleurs bleu, blanche et rouge en partant du fond.

C’est à juste titre que les premiers juges ont dit que l’article L. 511-1 du Code de la propriété intellectuelle n’exclut pas la protection, à titre de dessin ou modèle, d’un produit composé à la fois d’un contenant et d’un contenu et qu’en conséquence il convenait de tenir compte dans l’appréciation de la nouveauté, tant du flacon que des billes de bonbons colorés qu’il contient.

L’appréciation du caractère propre implique de comparer le modèle en cause avec tout dessin ou modèle antérieurement divulgué, pris individuellement, afin de déterminer si l’impression visuelle d’ensemble qui se dégage du modèle diffère de celle produite par ces antériorités. L’exigence d’un effort créateur n’est pas requise par l’article L. 511-2 du Code de la propriété intellectuelle ; il s’agit en effet d’un critère d’appréciation propre au droit d’auteur, distinct des critères applicables au droit des dessins et modèles ainsi que l’énonce le considérant 8 de la directive.

OBSERVATIONS :

La cour infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 17 janvier 2014 (PIBD 2014, n° 1007, III, p. 482) selon lequel le modèle n’était pas protégeable au motif que « les proportions du monument étant parfaitement respectées ainsi que l’ensemble de ses aspects visuels, sans stylisation particulière, les seules différences étant liées à la matière du flacon et à sa fonction », et s’agissant des bonbons « leur association dans les couleurs bleu, blanche et rouge correspond à la simple reprise des couleurs du drapeau national » enfin « que le choix d’associer le monument le plus connu de France aux couleurs du drapeau national ne procédait pas d’un parti-pris esthétique ».

La cour constate qu’aucune antériorité n’est opposable à la bouteille en forme de Tour Eiffel et juge qu’un modèle peut se caractériser à la fois « par le contenant et le contenu », qu’en l’espèce le caractère propre du modèle résultait de la combinaison de la bouteille et de son contenu à savoir des bonbons en forme de bille de trois couleurs disposés en trois couches superposées.

La cour considère alors que le modèle est susceptible d’être protégé en considération de sa combinaison soulignant que l’existence d’un effort créateur n’était pas requise par l’article L. 511-2 du Code de la propriété intellectuelle alors qu’aux termes du considérant 8 de la directive un critère distinct du droit d’auteur était applicable au droit des dessins et modèles.

L’article 8 de la directive rappelle qu’il importait « de consacrer le principe du cumul ». C’est à la suite de l’intervention de la France que la Commission de Bruxelles a consacré le principe, dont chaque État, il est vrai, est libre de fixer l’étendue. La Cour de justice est attachée au principe du cumul (CJUE, 27 janv. 2011, aff. C-168/09, Flos SpA c/ Semeraro Casa e Famiglia SpA : Comm. com. électr. 2011, comm. 33, Ch. Caron).

L’on ne peut donc que regretter l’interprétation de ces dispositions communautaires par quelques décisions des cours et tribunaux, qui ont pour conséquence de restreindre la protection des dessins et des modèles sur le fondement du droit d’auteur.

Mais cet inconvénient se trouve parfois compensé par le fait que d’autres décisions accordent une protection très large à des modèles qui n’auraient pu prétendre au bénéfice de la protection par le droit d’auteur. C’est ainsi qu’un récent arrêt de la cour de Paris (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 27 mars 2015, n° 12/03021 : PIBD 2015, n° 1029, III, p. 428) considère qu’il résultait « du quatorzième considérant de la directive 98/71/CE, à la lumière de laquelle doit être interprété le droit national et en particulier l’article 511-8 du CPI, que les caractéristiques esthétiques ou ornementales ne constituent plus une condition de la protection », disposition que l’on retrouve au considérant 10 du règlement (CE) n° 6/2002, mais selon le considérant 7 du règlement « une protection accrue de l’esthétique industriel a pour effet non seulement d’encourager les créateurs individuels à contribuer à établir la supériorité communautaire dans ce domaine, mais également de favoriser l’innovation et le développement de nouveaux produits et l’investissement dans la production ». Le livre V du Code de la propriété intellectuelle dans ses dispositions issues de la directive fait expressément référence à quatre reprises au « créateur » : l’article, L. 511-4, alinéa 2, selon lequel « pour l’appréciation du caractère propre il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou du modèle » et l’article L. 511-6 « si le dessin ou modèle a été divulgué par le créateur et si le dessin ou modèle a été divulgué à la suite d’un comportement fautif à l’encontre du créateur ». Ou encore l’article L. 511-9 du Code de la propriété intellectuelle précise que « la protection du dessin ou du modèle (…) est accordée au créateur ». La directive et le règlement ont pour objet la protection des dessins et des modèles et de procéder à l’harmonisation de la protection, laquelle dans chacun des pays de l’Union européenne s’applique à la forme « inutile », ornementale d’un modèle. Comme l’écrit le professeur Frédéric Pollaud-Duliand « il faut bien voir que dans les articles L. 511-1 et suivants il est question de création et de créateur. Une telle référence évoque les articles L. 111-1 et L. 112-1 selon lesquels le droit d’auteur protège les créations de forme quelles qu’en soient la forme, le mérite, la forme d’expression et la destination… de sorte que les critères de nouveauté et d’originalité, en principe opposés, paraissent se rapprocher ici » (F. Pollaud-Dulian, Droit de la propriété industrielle, Economica 2010, n° 1022).

Au surplus le fait que la bouteille soit remplie de bonbons en forme de bille, groupés en trois couches de couleurs bleu, blanc et rouge est du ressort de l’idée. Une fois consommé, l’un des éléments de la combinaison retenue par la cour, disparaîtra. Le modèle sera-t-il alors encore protégeable. Il a été jugé par exemple que l’association d’une coupelle en céramique et d’un fromage ne saurait constituer dans son ensemble une création nouvelle et originale (CA Grenoble, 12 sept. 2002 : JurisData n° 2002-190571 ; Propr. industr. 2002, comm. 93, note P. Greffe).

De même, la présentation de produits, même nouvelle, constitue un genre insusceptible d’être protégé au titre d’un modèle, voire même au titre d’une œuvre de l’esprit. Jugé en effet que la réunion d’objets ne constituait pas une combinaison précise et déterminée d’objets spécifiquement définis, mais une présentation spécifique pouvant varier (notamment CA Paris, 4e ch. A, 13 déc. 1995 : PIBD 1996, n° 606, III, p. 129).

Concernant le modèle lui-même, la question ne devait pas soulever de difficulté. Il a été jugé à plusieurs reprises qu’un modèle représentant en miniature la Tour Eiffel était susceptible de protection (CA Paris, 4e ch. B, 7 mars 2003, n° 2000/13856 : PIBD 2003, n° 772, III, p. 485. – CA Paris, 4e ch., 25 févr. 2004, n° 03/12224 : PIBD 2004, n° 788, III, p. 369).

Avocat au Barreau de Paris
Professeur au CEIPI
Chargé d’enseignement à Sciences-PO Paris

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