La facturation de logotypes par un professionnel de la communication emporte cession implicite des droits de création en exécution des contrats de commande, au bénéfice de la société pour laquelle lesdits logotypes ont été réalisés.
CA Paris, pôle 5, ch. 1, 18 novembre 2009
(…) Il résulte, certes des dispositions de l’article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, que la transmission des droits d’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.
Toutefois, destinées à protéger les intérêts de l’auteur, ces prescriptions visent les contrats consentis par l’auteur, personne physique, dans l’exercice de ses droits patrimoniaux, à l’exclusion des conventions que peuvent conclure des sociétés commerciales cessionnaires des droits patrimoniaux de l’auteur avec leurs clients sous-exploitants ;
Or, la société [appelante], laquelle ne revendique aucunement en l’espèce la création d’œuvres collectives au sens des dispositions de l’article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle, ne saurait être regardée, dès lors qu’elle est une personne morale, comme investie à titre originaire des droits de l’auteur, elle ne peut donc prétendre qu’à la qualité de cessionnaire de tels droits, qualité qui conditionne la recevabilité de son action en contrefaçon et qui ne lui est pas contestée par la société intimée.
Il s’évince de ces éléments que la société appelante est mal fondée à opposer les dispositions restrictives de l’article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle à la société intimée laquelle est, par contre, recevable à offrir la preuve d’une cession implicite à son bénéfice des droits d’exploitation sur les créations revendiquées.
Les premiers juges ont pertinemment observé que la société intimée, qui ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnelle de la communication, que ses réalisations graphiques et notamment ses logotypes étaient nécessairement destinés à être diffusés et reproduits, n’a émis aucune réserve quant à ses droits d’auteur lors de la signature des cahiers des charges ni aucune revendication à ce titre à un quelconque moment dans le cours des relations commerciales, qu’ils ont par suite, exactement déduit de l’ensemble des circonstances de la cause, une cession implicite au bénéfice de la société intimée des droits sur les créations réalisées en exécution des contrats de commande liant les parties.
NOTE
Les dispositions des articles L. 131-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, prises dans l’intérêt de l’auteur, ont donné lieu à des difficultés d’interprétation, résultant, non pas seulement du libellé de ces dispositions qui ne sont pas claires, mais au fait qu’elles s’appliquent aussi et notamment aux œuvres des arts appliqués lesquelles doivent pouvoir être librement exploitées par ceux qui les ont commandées.
En l’espèce, il s’agissait de logotypes, créés par une agence de communication pour le compte d’une société organisatrice d’un festival de musique. Il arrive souvent qu’une agence de communication, ayant perdu son client, revendique les droits de reproduction sur ses créations, invoquant les dispositions des articles L131-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
La jurisprudence actuelle peut se résumer ainsi.
1 – Sur le contenu du contrat. L’article 131-3 du CPI subordonne la transmission des droits de l’auteur à la condition que « chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».
De nombreuses décisions ont prononcé la nullité de contrats de cession de droit d’auteur qui ne respectaient pas cette disposition.
C’était une grave erreur.
Cette disposition ne vise en effet que les contrats « de représentation, d’édition et de production audiovisuelle » visés à l’alinéa 1er de l’article L. 131-2, dans lequel « les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle définis au présent titre, doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d’exécution », ce que la Cour de cassation a rappelé à nouveau par un arrêt du 21 novembre 2006 (cass. 1ère Ch. civ. 21 nov. 2006. PIBD 2007. 846. III. 123. – V. encore TGI Paris. 23 mars 2007. PIBD 2007. 854. III. 420. – TGI Paris. 19 sept. 2007. PIBD 2007. 862. III. 684).
2 – Sur les personnes qui peuvent invoquer les dispositions de l’article L. 132-3 du CPI. Dans son arrêt du 18 novembre 2009, la Cour rappelle qu’au surplus, ces dispositions ne peuvent être invoquées que par l’auteur, personne physique ou éventuellement par une personne morale, mais dans le seul cas d’une œuvre collective, hypothèse où la personne morale est alors investie à titre originaire de droits d’auteur.
3 – Sur la nécessité d’un écrit. La preuve de la cession du droit peut être apportée dans les termes des articles 1341 et 1348 du Code civil, ce qu’indique ainsi qu’il est dit ci-dessus, l’alinéa 2 de l’article L. 131-2 du CPI.
Il est de jurisprudence que la cession peut résulter « de la commune intention des parties » (notamment Cass. civ.27 mai 1986. Bull. civ. I. 143. d ; 1987. Somm. 154. obs. J.J. Burst ; Ann. Prop. Ind. 1986. 123. Note Paul Mathély. – TGI Paris. 26 mai 1998. Gaz-Pal. 25-26 nov. 1998. – Cass. com. 22 nov. 2000. JCP E 2000. pan rapp. 1935. – Cass. com. 5 nov. 2002. Prop. Ind. Mars 2003. Gaz-Pal. mai 2003. P. Greffe).
Jugé encore que s’agissant d’une cession intervenue entre une société exploitant un logo et la société de communication qui l’a réalisé, elle-même cessionnaire du droit du créateur, les dispositions de l’article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle ne sont pas applicables ».
« Si cession de droit ne se présume pas, les documents et factures produits établissent l’existence de relations commerciales suivies entre les parties ayant pour objet la définition d’une nouvelle identité visuelle. En réalisant et en facturant le logo en cause, la société de communication avait pleinement conscience de l’usage qui devait en être fait par son cocontractant, conforme à la commune intention des parties, notamment le dépôt du signe à titre de marque. La cession des droits patrimoniaux sur le logo est ainsi établie (TGI Paris. 3ème Ch. 2ème Sect. 23 mars 2007. PIBD 2007. 854. III. 104.3 420. – V. encore CA Paris. 4ème Ch. A. 17 janv. 2007. Gaz-Pal. 6-10 mai 2007. – TGI Paris. 3ème Ch. 23 mars 2007. PIBD 2007. 854. II. 420).