L’action en concurrence déloyale et/ou parasitaire ne peut être fondée sur les mêmes faits que ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut d’atteinte à un droit d’auteur et à un modèle communautaire non enregistré.
CA Paris, pôle 5, ch. 1, 12 avr. 2016, n° 14/23137, SAS Sandro Andy c/ SAS Diramode : JurisData n° 2016-009606
« Il appartient à la société SANDRO ANDY, dès lors qu’elle détient un droit à titre de dessin et modèle communautaire non enregistré et un droit privatif au titre du droit d’auteur sur les manteaux Michigan et Michigan Bis, de justifier de faits de concurrence déloyale et/ou parasitaire distincts de ceux qu’elle invoque pour la contrefaçon ;
Force est de constater qu’alors que… le manteau de la société DIRAMOD présente des différences qui ne sont pas que de détail et produit une impression vision globale différente de celle générée pour les manteaux Michigan et Michigan Bis, la société Sandro Andy ne démontre pas l’existence de faits distincts de ceux qu’elle invoque vainement au titre de la contrefaçon ; la seule existence d’un risque de confusion, qui, s’il ne conditionne pas la contrefaçon de modèle, est induit par l’exigence d’une impression visuelle globale non différente pour l’utilisateur averti, ne suffit pas, en l’absence d’autres agissements, à caractériser un acte distinct de concurrence déloyale.
En conséquence, les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire seront rejetées ».
NOTE : La société Sandro revendiquait, au titre du droit d’auteur et des dessins et modèles communautaires non enregistrés, deux modèles de manteaux.
La cour estime que ces deux modèles bénéficient de la protection conférée par le droit d’auteur et par les dessins et modèles communautaires non enregistrés mais juge que la contrefaçon n’est en revanche pas caractérisée.
L’action en concurrence déloyale et parasitaire, qui était fondée sur les mêmes faits, est également rejetée, une telle action exigeant, selon la cour, la preuve d’une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon.
Il est vrai que la Cour de cassation a toujours posé comme principe que l’action en concurrence déloyale n’était pas un succédané de l’action en contrefaçon et qu’elle devait, pour être éventuellement accueillie, être fondée sur des faits distincts de la contrefaçon (notamment Cass. com., 16 déc. 2008, n° 07-17.092 : JurisData n° 2008-046323 ; PIBD 2009, n° 891, III, p. 855).
Mais cette solution s’applique-t-elle dans tous les cas et peut-elle être retenue lorsque l’action en contrefaçon a été rejetée ?
Il convient de distinguer trois situations.
Si la contrefaçon est retenue, l’action en concurrence déloyale et parasitaire devra alors être fondée sur des faits distincts pour avoir une chance de prospérer (Cass. com., 23 mars 2010, n° 09-14.114 : JurisData n° 2010-002599 ; PIBD 2010, n° 918, III, p. 312. – Cass. com., 15 juin 2010, n° 08-20.999 : JurisData n° 2010-009652 ; PIBD 2010, n° 923, III, p. 553. – Cass. com., 15 sept. 2009, n° 07-19.299 : JurisData n° 2009-049498 ; PIBD 2009, n° 906, III, p. 1495. – Cass. com., 6 nov. 2007, n° 06-16.189 : JurisData n° 2007-041269 ; PIBD 2007, n° 866, III, p. 42).
Si au contraire l’action en contrefaçon est rejetée pour défaut de constitution de droit privatif, pour absence d’originalité du modèle par exemple, il importera peu que les faits incriminés au titre de la concurrence déloyale soient matériellement les mêmes que ceux allégués au soutien de l’action en contrefaçon « l’originalité d’un produit [n’étant] pas une condition de l’action en concurrence déloyale à raison de sa copie, cette circonstance n’étant que l’un des facteurs possibles d’appréciation d’un risque de confusion » (Cass. com., 10 févr. 2009, n° 07-21.912 : JurisData n° 2009-047000 ; PIBD 2009, n° 893, III, p. 921. – Cass. com., 12 juin 2007, n° 05-17.349 : JurisData n° 2007-039494 ; Propr. industr. 2007, comm. 73, note J. Larrieu ; PIBD 2007, n° 858, III, p. 554. – Cass. com., 4 févr. 2014, n° 13-12.204 : JurisData n° 2014-001782 ; PIBD 2014, n° 1003, III, p. 318).
La Cour de cassation rappelle ainsi régulièrement que l’action en concurrence déloyale exige une faute tandis que l’action en contrefaçon de modèle concerne l’atteinte à un droit privatif sans tenir compte de l’existence d’un risque de confusion de sorte que si l’action en contrefaçon n’est pas admise, le juge devra apprécier si la copie est néanmoins fautive en raison du risque de confusion qui pourrait en résulter.
La même solution prévaut en matière de parasitisme (Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-21.723 : JurisData n° 2012-012928 ; PIBD 2012, n° 968, III, p. 580 ; Propr. industr. 2012, comm. 84, note J. Larrieu).
Encore faudra-t-il, comme est venue le préciser la Haute Juridiction très récemment, que la demande en réparation d’acte de concurrence déloyale et/ou parasitaire soit formée « à titre subsidiaire » (Cass. 1re civ., 30 sept. 2015, n° 14-19.105 : JurisData n° 2015-021842 ; PIBD 2015, n° 1038, III, p. 775), une telle demande ne pouvait faire « doublon » avec celle formée au titre de la contrefaçon.
Enfin, et c’est l’hypothèse qui était soumise à la cour, si l’action en contrefaçon est rejetée pour défaut d’atteinte à un droit privatif, il appartiendra au demandeur de justifier de faits distincts de concurrence déloyale et/ou parasitaire de ceux qu’il invoque pour la contrefaçon, « la seule existence d’un risque de confusion, qui, s’il ne conditionne pas la contrefaçon de modèle, est induit par l’exigence d’une impression visuelle globale non différente pour l’utilisateur averti » étant insuffisante à caractériser un acte distinct de concurrence déloyale selon la cour.
La chambre commerciale de la Cour de cassation s’était prononcée en sens contraire, en matière de droit des marques il est vrai, en considérant que l’action en concurrence déloyale pouvait être fondée sur les mêmes faits que ceux allégués au soutient d’une action en contrefaçon de marque rejetée pour défaut d’atteinte à un droit privatif dès lors qu’il était justifié d’un comportement fautif (Cass. com., 10 déc. 2013, n° 11-19.872 : JurisData n° 2013-028892 ; PIBD 2014, n° 999, III, p. 113).
En la matière, il est sans doute difficile de distinguer « l’impression visuelle globale » du risque de confusion si ce n’est que la première s’appréciera au regard de l’utilisateur averti et non du consommateur d’attention moyenne. Ces deux notions sont donc bien distinctes.
D’autre part, comme le rappelle la cour d’appel, il n’y a pas lieu, pour apprécier la contrefaçon d’un dessin ou d’un modèle, de rechercher s’il existe un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne, la notion de risque de confusion étant étrangère au droit des dessins et modèles, comme elle est étrangère au domaine du droit d’auteur (Cass. com., 23 sept. 2008, n° 07-15.053 : PIBD 2008, n° 883, III, p. 608. – Cass. com., 15 juin 2010, n° 08-20.999 : JurisData n° 2010-009652 ; PIBD 2010, n° 923, III, p. 553). C’est ce que vient à nouveau de rappeler, dans un arrêt du 4 mars 2016, la cour d’appel en ces termes : « il n’y a pas lieu de rechercher s’il existe un risque de confusion pour apprécier la contrefaçon tant en droit des dessins et modèles qu’en droit d’auteur, la contrefaçon de droits des dessins et modèles étant constituée par la similitude de l’impression visuelle produite sur l’observateur averti et celle de droits d’auteur par la reprise de la combinaison des caractéristiques donnant prise au droit d’auteur et s’appréciant par les ressemblances et non par les différences, indépendamment, convient-il d’ajouter, de toute prise en compte de la bonne foi » (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 4 mars 2016, n° 14/09442).